Le Gouvernement Africain : le monde à l’envers

Le dernier sommet de l’Union Africaine fut le théâtre d’immenses festivités, qui plus est se tenait dans le pays de Nkrumah, leader panafricaniste hors pair qui, de tout son vivant n’a cessé de pousser vers l’unification du continent Africain avec d’autres comme Sékou Touré, Modibo Keïta, Gamal Abdel Nasser…Plus d’un demi-siècle après, que de chemin parcouru avec l’OUA notamment qui est devenue en 1999, l’Union Africaine mais tout de même avec des résultats en deçà des objectifs fixés aux lendemains des indépendances. Nombre de voies s’élèvent aujourd’hui encore pour réaffirmer la nécessité de l’unification du continent Africain face aux enjeux de la mondialisation où l’interdépendance entre les économies fait des « gagnants » mais aussi des « perdants » dont le continent Africain dans son ensemble. Une intégration économique et politique réussie constitue une des solutions pour tirer son épingle du jeu pour la plupart de nos économies balbutiantes. Personne aujourd’hui ne peut contester objectivement la nécessité et la légitimité de l’unification d continent Africain mais de là, appeler à constituer un gouvernement continental relève plutôt d’une posture très idéologique que pragmatique. Entre la faiblesse de l’intégration sur le continent, qui est une réalité et l’idéal d’unification peut se glisser la solution du réel relevant plutôt du faisable.

La voie du guide Libyen Mouamar Khadafi soutenue notamment par le président Wade appelant à la constitution d’un gouvernement Africain me semble très fort décalée de la préoccupation réelle des populations Africaines et des marges de manœuvre existantes. Nombre de pays d’Afrique connaissent encore des conflits internes, des luttes fratricides faisant même de l’idée de la nation en leur sein un idéal sans compter les conflits interétatiques qui malheureusement sévissent encore. A cela, on peut ajouter les difficultés des Etats à céder une partie de leur souveraineté au niveau infra c’est à dire régional où existe une certaine cohésion économique, politique et sociologique…De qui se moque t’on pour faire croire que cette cession irait de soit au niveau continental ? D’ailleurs quels sont seront les champs de compétences de cet exécutif contient ? A combien d’Etats serait-il représentatif du continent ? Quels mécanismes de prise de décision ?....On me dira que la diplomatie serait son premier attribut pour permettre au continent de parler d’une seule voix mais ce n’est un secret pour personne que c’est le domaine le plus jalousement gardé par les Etats tant les intérêts à défendre sont divergents. Un gouvernement Africain reste une option très conditionnée et dont la probabilité de réalisation reste marginale de nos jours et ce qui m’étonne c’est que les réflexions dans le domaine ne tiennent surtout pas des expériences des autres régions du monde dans le domaine. L’Europe dans ce domaine est un cas d’école et même cet exemple, en dépit d’énormes sacrifices consentis a du mal à aller vers une réelle intégration politique en témoignent l’échec cuisant du référendum Européen en France en 2005 et les débats qui ont suivi sans oublier la gestion de la crise Irakienne par exemple.

Il y a nécessité de prendre en compte cette question de l’intégration politique en Afrique au sérieux, l’approfondir davantage pour mieux tenir compte des exigences du réel et non imaginer la réaliser au coup d’une baguette magique en jouant au plus pressé. Et d’ailleurs pour quoi ne pas laisser le temps et chercher à rendre opérationnel l’Union Africaine qui, dans ses instances et fonctionnement relève plutôt de la supranationalité au niveau continental ? L’Afrique reste une championne dans la création d’institutions et/ou d’organisations interétatiques mais paradoxalement le continent où les effets de l’intégration sont les moindres. Ceux qui parmi les leaders Africains plaident pour une intégration par échelle en commençant par le renforcement des instances régionales pour plus de dynamisme économique facteur de paix et de prospérité demeurent à mon humble avis les plus réalistes. Poser la question de l’intégration en Afrique est fondamentale de nos jours pour mieux comprendre pour quoi les efforts consentis sont si faibles, lorsqu’ils sont louables, ils n’aboutissent pas aux résultas escomptés.

Actuellement nombre de pays pour appuyer la thèse du gouvernement Africain évoque l’inscription dans leur constitution la possibilité d’abandon d’une partie de leur souveraineté nationale au profit d’une institution supranationale, j’avoue que cet argument reste très léger face aux enjeux de la question de la constitution d’un exécutif à l’échelle du continent. La réalité est beaucoup plus complexe au vue des expériences venues d’ailleurs, ce qui me renforce dans l’idée qu’il y a une certaine manipulation dans cette attitude. Aujourd’hui, j’ai l’impression que certains leaders Africains veulent réinventer toute la théorie, toute la mécanique d’un processus d’intégration régionale pour aller plus vite ou pour faire différent, je ne crois pas sur nombre de questions telles que celles ci, qu’il faille réinventer des processus, il serait plus sage des se servir d’exemples ayant réussi pour les adapter au cas Africain. Les exemples venus d’ailleurs montrent a suffisance que l’intégration économique est une des conditions de l’intégration politique car la création d’espaces économiques harmonisés où la mobilité des personnes et de leurs biens seraient assurée, facteurs de création et de distribution des richesses pour le bien être individuel et collectif permet de forger une certaine identité des peuples en relation et créer de ce fait un sentiment d’appartenance à une chose commune.

La véritable option vers le gouvernement Africain qui est un idéal serait d’aller vers le renforcement de l’intégration économique régionale pour accroître le bien être des populations qui à terme verront la nécessité d’agir ensemble et ce n’est qu’après, que l’intégration politique trouvera un écho favorable et la volonté politique ne fera qu’accompagner ce cheminement. Si au mois de janvier prochain, sous le lobbying du dirigeant Libyen on arrive à mettre une espèce de gouvernement continental, nous aurions passé du temps pour pas grand chose car comme on le dit souvent dans ce genre de questions « le diable se cache dans les détails ». Qu’est ce qui serait plus urgent pour l’Afrique que la résolution du conflit au Darfour et la crise régionale qu’il entraîne, que la pacification de la Côte d’Ivoire, que de faire face à la pandémie du Sida principalement en Afrique Australe, que de résoudre le conflit Somalien, pays qui, depuis près de deux décennies n’a plus le statut d’un Etat, ….voilà autant de sujets qui touchent l’Afrique et les Africains dans leur quotidien et nuisent gravement à leurs aspirations à la dignité et au bonheur. Ce débat sur le gouvernement Africain et l’enthousiasme subite qu’il suscite me rappelle celui d’il y a quelques années à savoir le projet du NEPAD. Projet génial dont la faisabilité n’a été que peu abordée et qui aujourd’hui encore à cause de querelles de leadership entre dirigeants Africains dors sous les lauriers. De temps en temps en Afrique, j’ai l’impression qu’on sort ou ressort des idées pour faire croire aux autres que l’on bouge, que l’on peut faire différemment mais sans réellement se préoccuper de leur opérationnalisation. Or, l’on devrait plutôt aller vers des projets concrets, vers du pragmatisme et limiter la posture idéologiques des sujets qui ne tiennent pas compte toujours des limites que le réel nous impose.

Le jour où les politiques que ce continent feront de l’intégration économique régionale une réalité permettant d’améliorer au quotidien la vie des populations, ils se rendront compte qu’à partir de ce moment là, de réelles possibilités s’ouvriront pour une intégration politique, essayer de faire l’inverse constitue une erreur d’approche. L’histoire de l’Europe nous apprend qu’une intégration ne peut réussir qu’ à partir du moment où l’on fait émerger entre les partenaires des potentialités communes pouvant contribuer à leur bien être pour justifier les sacrifices nécessaires appelés en économies les coûts d’ajustement. C’est dire qu’aujourd’hui, faire de l’intégration politique par la constitution d’un exécutif continental en Afrique un objectif immédiat c’est se tromper de débat. L’intégration en Asie Orientale malgré dans les faits une interdépendance poussée des économies patine du point de vue politique tant les enjeux à ce niveau sont importants liés à l’exercice de la souveraineté des Etats- Nations. Contrairement à l’idée qui veut faire croire à la disparition de l’Etat Nation au profit d’espaces intégrés économiquement et/ou politiquement dans la mondialisation, les entités étatiques ont en réalité toute leur place et les questions relatives à l’exercice de la souveraineté nationale sont loin d’avoir disparues. Les discussions actuelles en Europe sur les questions d’identité, de protection sociale, de protectionnisme, de préférence nationale et/ou communautaire…toutes rappellent que les Etats même dans la mondialisation demeurent les termes de référence. Et l’Afrique dans ce schéma ne fait pas exception et ce, malgré la volonté et l’envie d’aller aussi loin que possible dans le processus d’intégration à l’échelle continentale au niveau politique.

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