L’Uranium : un minerai convoité à juste titre

Il y a quelques jours, parcourant comme d’habitude le portail de Jeune Afrique, je suis tombé sur un article intitulé « l’Uranium : bénédiction ou malédiction ?» daté du 17 octobre 07. Et cela m’a rappelé directement l’exploitation pétrolière en Afrique où détenir une ressource est plutôt assimilé à des problèmes et non le contraire et j’ai aussi pensé à tout ce qui a été dit en Guinée après la confirmation de l’existence de ce gisement. La question de l’Uranium est capitale de nos jours car, elle se situe dans un contexte global de débat sur l’impérieuse nécessité d’un développement durable imposant une certaine réduction de la consommation des énergies fossiles responsables du réchauffement climatique et d’indépendance énergétique dans les pays développés car, ce minerai est un élément indispensable au développement de la filière nucléaire. Quand on sait qu’en France par exemple, près de 80% de l’électricité est d’origine nucléaire, alors qu’elle ne détient même pas un gramme d’uranium sur son sol, en tout cas avéré de nos jours, on comprend aisément l’importance pour elle de s’assurer d’un approvisionnement régulier de ce minerai. Quand on voit la volonté des puissances émergentes ; Chine, Inde, Brésil et d’autres à vouloir diversifier leur bouquet énergétique en mettant un accent particulier sur le nucléaire, on comprend mieux encore l’importance de ce minerai tant la pérennisation de leur modèle de développement exige des ressources énergétiques autres que celles fossiles pour des raisons à la fois socioéconomiques et environnementales. Mieux encore, quand on se réfère à la dimension stratégique dudit métal en prenant en compte les risques de la prolifération nucléaire et les difficultés à définir les limites entre le nucléaire civil et militaire (voir le débat sur l’Iran) sans oublier la volonté des Etats-Unis d’éradiquer le terrorisme, on voit que cette ressource est devenue un centre d’intérêts et fait l’objet de nombre de convoitises de la part des grandes puissances économiques. Bref, l’Uranium est devenu un enjeu géopolitique majeur…

L’Uranium trouve aujourd’hui toute sa place, car le nucléaire hormis l’épineux problème du traitement des déchets qui est réel, ce minerai reste une source d’énergie propre parce que ne rejetant pas de gaz à effet de serre. Comme pour dire, qu’avec l’impératif d’un développement durable, vive le nucléaire. A voir de près actuellement l’évolution de ce débat, on a plus tendance à s’occuper des préoccupations des pays ayant besoin de cette ressource et les enjeux des pays détenteurs comme le Niger passent au second plan, complètement inaperçus hormis peut être le fait que les Etats-Unis ait soupçonné ce pays de pourvoir de l’Uranium à l’Irak en 2003 et le récent imbroglio entre AREVA et l’Etat Nigérien sur la révision des contrats et la fin du monopole dans ce domaine, contrats signés depuis des décennies et complètement inadaptés aux réalités socioéconomiques dudit pays. Actuellement hormis l’activisme de certaines ONG, les problèmes que pose l’exploitation de cette ressource intéresse peu de monde et pourtant des risques énormes existent appelant à une responsabilité sociétale des entreprises de plus en plus accrue et à une vigilance des pouvoirs publics locaux (référence au pays). Le partage de la rente pose problème entre les entreprises productrices et les pays d’accueil et on pourrait ajouter les risques d’explosion et d’irradiation dans les zones d’exploitation pouvant affecter non seulement les travailleurs mais aussi l’environnement car, nous avons quand même affaire à une matière hautement radioactive. Pour nombre d’observateurs une exacerbation de la concurrence dans ce domaine serait difficile à éviter entre différents pays dont les Etats-Unis, la Chine, la France, …sans oublier la forte probabilité de retour au nucléaire dans certains pays européens avec un baril de pétrole oscillant autour des 80$. Pour l’Agence Internationales de l’Energie Atomique, « la demande mondiale de l’énergie augmentera d’au moins 50% au cours des 25 prochaines années et devra être satisfaite principalement par des combustibles non fossiles, et particulièrement par l’énergie nucléaire ».

Tous ces facteurs font que l’Uranium en ce début de 21 ème siècle est devenue très stratégique mais malheureusement, ce cas ne reste pas isolé et fait partie de toute cette thématique de l’impact de l’exploitation des ressources naturelles en Afrique. Malédiction ou bénédiction ? Toujours est il que détenir de l’Uranium ainsi que nombre de ressources (bauxite, or, pétrole, …) pose plus de conflits à résoudre tant sur le plan économique que social au lieu de devenir de véritables leviers de développement. Pour preuve, « le Niger produit plus de 3 000 tonnes d’Uranium par an se situe entre la troisième et la cinquième place mondiale en terme de production et pourtant selon l’IDH du PNUD, il est le pays le plus pauvre du monde avec une espérance de vie de 45 ans, 71% des adultes ne savent pas lire, 60% de la population survit avec moins de 1$/j ». Comment faire bénéficier les ressources d’un pays en l’occurrence pauvre à ses populations et comment amener les multinationales à faire preuve de plus de responsabilité sociétale dans ces lieux d’exploitation, comment valoriser les ressources naturelles avant exportation, telles sont quelques unes des équations que nombre de pays en Afrique auront à résoudre des décennies encore, pour faire de leurs ressources naturelles non pas de véritables freins à leur émergence politico-économiques mais de véritables leviers dans ce sens. On ne le dira jamais assez l’importance de la mise en place d’une véritable gouvernance interne avec modernisation des institutions publique et d’une stratégie de développement cohérente d’où l’importance du retour d’une puissance publique responsable dans ces économies. Donc à l’enthousiasme suscité par la découverte de ce minerai en Guinée, devrait plutôt se substituer une profonde réflexion de la part de l’ensemble des acteurs (Etat, Syndicats, société civile, patronat, collectivités locales, …) pour mieux comprendre les enjeux de ce minerai de nos jours. Il est urgent d’évaluer les risques liés à son exploitation en mettant un accent particulier sur le choix des partenaires sans oublier les effets potentiels en terme d’impacts pour les populations locales et le pays en entier. Ce débat devrait être ouvert le plus tôt pour éviter les résultats décevants obtenus dans le cas de la bauxite par exemple. A y voir de plus clair, les Guinéens devraient plutôt retrousser leurs manches car, vue la place que va occuper l’Uranium les prochaines années, les problèmes ne manqueront pas (choix des partenaires, compréhension de leurs logiques d’intervention, valorisation du minerai, problèmes socioéconomiques et politique) mais tout dépendra de comment l’ensemble des acteurs s’y prendront, l’Etat Guinéen en premier, garant de l’intérêt collectif.

Commentaires

Nils a dit…
Thanks to its uranium reserves Morocco is so important, not just because the geographic situation.

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