La Guinée et la ZMAO : Choix gagnant ?

Ce n’est un scoop pour personne que la Guinée est dans une passe très difficile tant la situation sociopolitique reste précaire. Cela sans nul doute est l’une des conséquences d’une succession d’instabilités, d’improvisation, d’approximation dans la gestion de nos affaires collectives. Bref du laisser aller dans la conduite de nos politiques publiques. Aujourd’hui, plus hier encore, l’incertitude demeure. Mais devrions nous nous en contenter ? Certainement non. Devrions nous arrêter de penser et d’imaginer le futur ? Encore non, car de nos réflexions collectives dépendront nos vies et celles de nos successeurs. Alors dans cet état d’esprit, je vous propose de réfléchir ensemble ou en tout cas je vous soumets mes réflexions sur une question que je pense essentielle à savoir notre adhésion à la Zone Monétaire Ouest Africaine (ZMAO). Nul doute que les débats restent agités depuis quelques années en Guinée, chacun y va comme il l’entend et le comprend semant davantage le doute, l’incertitude et posant à chacun de nous cette question quotidienne à savoir notre capacité à imaginer et à porter un autre projet collectif. Je sais que nous faisons partie des pays dits pauvres mais nous sommes loin d’être un pauvre pays. Revenons à la ZMAO, que de réunions, d’effets d’annonces, les résultats en disent long sur ce processus. L’objectif premier de ce projet est de créer un espace économiquement intégré avec une monnaie commune pour faciliter les échanges et promouvoir ainsi la création et la distribution des richesses voire la redistribution par la mise en place de dispositifs à cet effet. De tels objectifs au vue des réalités de notre économie ne peuvent être que salutaires. Par contre, le choix d’adhérer à un tel projet reste discutable parce que tout simplement la conséquence directe reste la perte de l’instrument monétaire dans la conduite de notre politique économique. Et pour quels bénéfices ? C’est vraiment qu’il y a tout l’intérêt à camper l’économie Guinéenne dans ce futur ensemble puisque ce qui est en jeu reste la création d’une espace où logiquement par le biais des mécanismes qui seront mis en place, nous sortirions gagnants dans l’ensemble.

La création d’une zone monétaire s’inscrit dans une logique politique bien définie et chaque participant est supposé y aller en ayant bien conscience des coûts à supporter et des bénéfices à engranger sur les plan commercial, économique, politique... Il est clair aujourd’hui, qu’intégrer un espace économique et monétaire ne peut être que salutaire pour notre pays au regard de la gestion plus que laxiste des instruments monétaires et budgétaires de notre politique économique, source de déséquilibres profonds, d’instabilité politique et institutionnelle, de décrédibilisation de nos institutions publiques. Bref, facteur d’aggravation de la pauvreté. La situation actuelle de chaos permanent n’est qu’un des résultats de cette gestion catastrophique de notre économie et ce depuis belle lurette. Ceci dit, quels choix avons-nous vraiment ? Adhérer à la ZMAO comme c’est le credo des autorités depuis quelques années déjà même si l’horizon temporel d’un tel projet reste plus que jamais vague, plein d’incertitudes ou, intégrer directement l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, nous sommes encore dans la CEDEAO.

Mon choix une fois de plus reste la seconde option pour des raisons socioéconomiques et politiques. Commercialement, la Guinée échange plus avec l’UEMOA que la future ZMAO, aller vers cette première zone renforcerait davantage ces liens commerciaux. Nous avons les grandes économies de l’UEMOA des frontières communes; la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali avec une population de plus de 40 millions d’habitants sans compter le Burkina Faso à quelques centaines de Km de notre frontière est. Autant de populations, autant de débouchés potentiels pour notre économie (produits agricoles, alimentaires, artisanaux…). Pour comprendre cette incidence économique, il suffit juste de se rendre dans les villes frontalières avec ces pays, véritables carrefours d’échanges. A cette dimension économique, il faut bien évidemment rajouter celle sociétale à savoir la forte présence de communautés guinéennes dans ces pays, facteur de liens et de création de dépendance entre les économies concernées. Sur le plan institutionnel, nous avons avec les pays de l’UEMOA des structures administratives et de production proches voire semblables à certains égards, héritages de notre histoire « commune » sans oublier une langue partagée, éléments structurants déterminants dans tout processus d’intégration économique donc politique. Un autre aspect non négligeable, reste la domination de l’économie Nigérianne sur le futur ensemble ZMAO en terme de production de richesses. Ce qui fait que la performance de la zone reposera sur cette économie. Or elle est dépendante de ses exportations d’hydrocarbures, duale et aux ressorts institutionnels très fragiles dont la moindre secousse sera ressentie par la zone. Avec le poids de cette économie doublée de sa population, les arbitrages en matière de politique monétaire risquent fort d’obéir au fondamentaux de cette dernière.

Si proximité géographique, structures de production et de décision, histoire, sociologie restent des éléments importants pouvant assurer la solidité d’un espace intégré, alors pourquoi chercher vaille que vaille à adhérer à la ZMAO où les grandes économies restent le Ghana et le Nigeria alors que nous sommes frontaliers avec les grandes économies de l’UEMOA ? Comment expliquer à un citoyen lambda que nous sommes dans une zone intégrée si pour la plupart de ses transactions, il a recourt à la conversion des monnaies lorsqu’il se promène dans la CEDEAO par exemple ? Pourquoi n’avoir jamais cherché à intégrer l’UEMOA et ce malgré le poids de notre histoire surtout que l’objectif dans la CEDEAO reste d’arriver à une seule zone monétaire à l’horizon 2025-2030 ? Pourquoi vraiment aucun intellectuel, aucun leader politique en tout cas officiellement, haut et fort n’a jamais mis cette option sur la table depuis ? Cette question illustre une fois de plus l’absence de débat dans notre pays sur des questions essentielles, il est encore temps de rectifier le tir et vite. Sur cette question précise, je pense que le leadership a manqué, le politique a manqué de courage, de clairvoyance et de vision bref d’anticipation car un des ses rôles est avant tout de proposer des choix globaux structurants quitte à bousculer des idées reçues. Le changement est aussi est à ce prix. Mais pour des entreprises pareilles il est serait temps de revenir à la vraie politique dans nottre pays, celle qui permet à l'ensemble de s'inscrire et de conduire des destinées où chacun et tous aura sa chance et participera à la réalisation des objectifs collectifs.

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