Gouverner : un art encore difficile aujourd’hui

Il y a un peu plus d’une année, le monde suivait avec enthousiasme et intérêt l’entrée en fonction du président Etatsunien dans l’espoir de le voir changer son pays et l’impliquer énergiquement à la résolution de certaines crises à l’échelle internationale. De part son discours, l’approche prônée, un nouveau souffle se sentait et un retour des Etats-Unis dans la gestion des affaires globales à travers le multilatéralisme. Quand est il de toutes ces promesses une année après ? Certes le temps est court pour tirer des conclusions mais des tendances peuvent être dégagées et politologues, journalistes… se prêtent au jeu. Ce n’est pas étonnant au regard des exigences de la démocratie moderne. Au-delà de l’analyse de cette présidence, la question fondamentale à mon avis qui reste posée à toutes les démocraties est celle de l’exercice du pouvoir dans un contexte démocratique mouvant. Vous conviendrez avec moi que l’espace politique évolue, se complexifie avec la multiplication des acteurs notamment. A l’ère des moyens modernes de communication où l’instantané demeure, « l’expertise citoyenne » de plus en sollicitée ; les rapports entre gouvernants et gouvernés évoluent, souvent très vite au point d’engendrer un décalage important entre aspirations citoyennes et institutions devant en répondre. L’Homme politique et ce, quel que soit l’échelon territorial est confronté à ce problème majeur de la vie démocratique moderne qui est celui de la nécessaire adéquation entre décisions politiques et demandes sociales le plus souvent diverses et contradictoires dans un temps compté.

C’est cela certainement son travail à savoir avant tout arbitrer et proposer une ligne directrice forcément différente de celle de la campagne électorale si l’on veut simplement gouverner pour tous. Et cela est bien résumé par le fait que l’on fait campagne schématiquement à gauche et à droite et on gouverne au centre. De nos jours les mécanismes de transmission de la volonté politique restent forts complexes par le jeu de l’interaction entre pouvoirs politiques et/ou acteurs intervenant sur le champ politique. Il est important de noter que la réussite d’une politique publique dépend de son orientation devant être en phase avec les aspirations de la majorité bien que mouvant, des acteurs y impliqués et de la méthode employée. Nombreux sont les cas où la justesse des réformes politiques se trouve mises en mal par l’absence ou plutôt défaut de méthode. L’exemple de Obama est édifiant à ce niveau. Aujourd’hui des critiques fusent pour fustiger non seulement ses orientations mais aussi et surtout sa méthode. D’aucuns pensent qu’il écoute beaucoup, qu’il est toujours à la recherche du compromis au risque de s’écarter durablement des orientations de campagne. La réforme de la santé à mis chemin ou la question Afghane en disent long sur cette façon de faire semant doute dans l’esprit de citoyens sur sa capacité à mener à bien ces dossiers. Il faut aussi le reconnaître que ce climat est alimenté par l’action du Parti Républicain. C’est de bonne guerre et nécessaire à la vie démocratique.

Paradoxalement, on reproche tout à fait le contraire au président Français à savoir qu’il va vite, consulte moins, enclenche plusieurs réformes à la fois au risque d’être inefficace mais surtout de brouiller les orientations et semer le doute chez le citoyen…Quelle logique d’action faut il préférer ? Simple question qui ne mérite d’être posée car à chaque contexte ses réalités, résultats d’une longue évolution. Ces exemples montrent combien de fois les choses sont complexes en terme d’analyse et les difficultés à appréhender un moment donné ce que veut le citoyen dans un régime démocratique. Nombre de méthodes sont utilisées de nos jours comme le sondage pour décrypter ce que l’on appelle communément opinion publique et juger de sa perception de l’action publique. Certes important, mais le sondage n’est qu’une photographie de l’opinion à un moment donné dont les résultats dépendent de nombre de paramètres tels la technique utilisée, la taille de l’échantillon… Des ces exemples, on voit bien que la méthode est une partie intégrante de l’action politique dont elle conditionne la réussite dans un système démocratique. Ne parles t-on pas en France de pédagogie des réformes ? Obama n’en fait-il pas sur la réforme de la santé en convoquant les deux chambres ou en invitant des dizaines d’élus républicains pour discuter de la réforme de la santé ? Mais pourquoi tant d’exercices de communication si la conduite de l’action publique était si simple ? Pourquoi des politiques se « mouillent » t-il sur des dossiers y compris dès fois contre leurs camps ? Elles sont importantes ces interrogations tant le champ politique a évolué avec de multiples acteurs, chacun avec ses propres objectifs et logiques d’intervention garantis par les textes fondamentaux dont le respect assure le bon fonctionnement de la démocratie.

Nombreux sont les paramètres aujourd’hui qui rendent l’exercice du pouvoir politique difficile voire complexe. Il y a tout d’abord l’attente du citoyen. Comment s’y retrouver entre celui qui pense qu’un président par exemple doit orienter, tracer des caps et l’autre le conférant plutôt dans le rôle de satisfaction de ses besoins quotidiens ? Il est clair qu’un arbitrage entre les temps cours, moyen et long est plus que nécessaire pour conduire une action cohérente dans la durée même aux cas où tout pourrait relever de l’urgence. Le deuxième élément reste la multiplicité de l’expertise allant de l’Homme politique lui-même à celle du citoyen en passant par de multiples conseillers et institutions diverses et variées. Ces sources diverses d’expertise alimentant la conduite de l’action politique ouvre le plus souvent des perspectives intéressantes par la proposition d’alternatives, nécessaires dans un cadre démocratique. Le recours à cette expertise n’est pas aussi sans problème car avec le foisonnement, il y a risque de dilution, de brouille de l’orientation et de perte notamment de la cohérence globale de l’action entreprise. Aujourd’hui, sous le terme générique de la participation, des acteurs divers et variés sont appelés à jouer un rôle dans la conduite de l’action publique qui est ainsi légitimée mais davantage contrainte appelant du coup à la nécessité d’une vraie stratégie de communication politique.

Le troisième élément reste l’influence du temps dans la décision politique. Trois temporalités s’imbriquent et dont l’Homme politique doit « maîtriser ». Il s’agit; du temps politique qui est celui des échéances électorales, du temps réel celui qui rend compte de la vie des citoyens, du temps effectif rendant compte des effets d’une décision politique. Plus il y a de décalage entre ces temporalités, davantage le citoyen est convaincu d’avoir été floué et surtout de l’incapacité voire de l’impuissance de l’Homme politique face à ses exigences du moment. La conduite de la politique publique exige la prise en compte de ces trois timings dont l’influence de chaque variable dépendra entre autres des enjeux, des réalités du moment. Le quatrième élément reste institutionnel et touche au fonctionnement des systèmes démocratiques. Les réalités sont certes différentes, les modèles évolutifs mais tous les cadres obéissent à une certaine histoire et présente à la fois des forces et faiblesses. Par exemple, le système Etatsunien demeure très complexe où les pouvoirs sont le plus souvent mis à rudes épreuves par les contre pouvoirs. Il est clair que l’existence des contre pouvoirs garantie la stabilité d’un système démocratique mais cela peut aussi générer des situations de statu quo à l’intérieur et entre les camps politiques notamment sur des réformes majeures. Cela rend presque « nécessaire », les marchandages politiques où chaque voix doit être récupéré aux prix de diverses concessions. Sur la réforme de la santé, Obama aurait – il pu faire autrement ?

Comment ne pas mentionner l’influence aussi du contexte extérieur dans un monde interdépendant tant dans ses menaces que promesses. Encore, plus qu’hier il est impossible de concevoir de véritables politiques sans se référer à l’extérieur. Ce qui fait que la décision politique est le fruit de l’interaction permanente entre le contexte interne et externe. Avec toutes ces contraintes réunies, on comprend bien les difficultés que peut avoir l’Homme politique et ce, quelle que soit l’échelle de territorialité pour conduire l’action publique. Il est clair que de nos jours, dans un contexte de mutation profonde de l’espace public, gouverner reste un exercice délicat plus que délicat appelant forcément à un changement profond des pratiques pour intégrer nombre d’exigences contradictoires. Vous conviendrez que toutes ces inquiétudes, remarques et suggestions ne sont valables que dans un cadre démocratique alors quid des autres ? L’évolution du monde montre à suffisance que la contrainte matérialisée par la force ne peut aider aujourd’hui à gouverner durablement. Les exemples Guinéens et Nigériennes devraient en faire réfléchir plus d’un sur l’exercice du pouvoir notamment en Afrique. Encore, nombreux sont les pays de ce continent où les institutions politiques tant dans leurs règles de fonctionnement que dans l’exercice du pouvoir restent largement décalées par rapport aux réalités et aspirations de leurs citoyens. C’est ce déséquilibre qu’il va falloir résorber. Certes il va falloir du temps mais s’y atteler est une exigence. Pour cela, il faut de la clairvoyance, de la vision et de l’engagement. Dans un contexte où le champ politique se complexifie, le citoyen de plus en plus exigent, il est vraiment temps de tourner cette parenthèse en Guinée pour espérer des lendemains meilleurs pour tous.

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