L’Impôt Minimum de Développement Local (IMDL) : un impôt injuste mais…

Dans son allocution du 31 décembre, notre président a annoncé la suppression de l’IMDL, contribution exigée à certains habitants de nos terroirs comme participation pour le développement de localité. L’IMDL, comme l’a rappelé le président est un impôt per capita donc ne tenant pas compte des capacités contributives des citoyens. Il est injuste. Le supprimer avec cet argument, quoi de plus évident ou en tenant compte d’éléments factuels tels les difficultés de son recouvrement ou son possible détournement par notamment les élites locales. La justice sociale demeure une des exigences de la république, elle doit permettre à chacun de ses citoyens de vivre dignement, de contribuer à hauteur de des capacités à la vie de la collectivité tout en étant accompagné par cette dernière. L’IMDL, à ce titre pourrait disparaître. Mais à y regarder un peu, cette suppression annoncée pose quelques interrogations sur le fonctionnement de notre Etat, sur la méthode des nouvelles autorités ainsi que la vision globale de leur action. L’IMDL reste avant tout un impôt et comme tous les autres, il appartient à la représentation nationale d’en décider la création, la suppression ou simplement la modification. La contribution au développement local fait partie d’une des dispositions sur les recettes propres des collectivités locales donc d’un texte de loi. La modification d’une disposition législative dans une démocratie passe forcément par la représentation nationale sur son initiative propre ou de l’exécutif et, dans certains Etats par l’action citoyenne (référendum d’initiative populaire).


Cette séparation des pouvoirs reste un des socles de la démocratie. Que la président de république, chef de l’exécutif décide de supprimer un impôt sans consultation préalable et décision de la représentation nationale pose un problème de droit majeur. Le Conseil National de Transition, organe législatif aurait dû être saisi et statuer là-dessus via un projet de loi. Cela aurait permis de rendre la suppression légale (s’il y en avait) mais aussi d’instaurer le débat pour faire émerger les vraies questions dont le financement du développement local en Guinée. Revenant un peu sur cet impôt injuste, il avait une rentabilité économique, même si son poids dans le financement des collectivités locales était faible voire dérisoire. Si nous suivons le raisonnement de bon nombre de nos concitoyens, cette mesure reste salutaire car le recouvrement de cet impôt poserait problème et surtout que son produit profiterait plus aux élites locales. A ce rythme, il revient à dire que toute loi qui pêche dans l’application reviendrait à être abrogée. Cela est dangereux dans un Etat où le respect de la loi reste encore embryonnaire. Pour faire simple, il appartient à l’Etat de se doter les moyens pour assurer une exécution correcte des textes de lois, et autres dispositifs juridiques régissant la vie en communauté. Parlant de justice sociale et fiscalité, quel impôt pourrait-il être aussi injuste que la TVA ? Si cette dimension pourrait faire en sorte qu’on le supprimât, sa rentabilité économique nous en dissuaderait fortement sans oublier aussi que la collecte de cet impôt non plus n’est pas une mince affaire. C’est tout l’intérêt du débat sur la fiscalité et tant d’autres domaines de la politique publique en associant les acteurs concernés car les logiques simplistes sont souvent trompeuses.


Le problème de fond reste le financement du développement local. Pour mémoire, les collectivités locales guinéennes disposent de ressources propres, bénéficient de dotations de l’Etat, sont éligibles à des projets et programmes de développement sans oublier des financements provenant des ressortissants. Toutes ces possibilités n’ont bien évidemment pas le même impact sur la vie de ces dernières. Les impôts locaux sont difficiles à recouvrer de fait de la faiblesse institutionnelle desdites entités et de l’Etat sans oublier le sentiment qu’ont les citoyens que leurs produits sont souvent détournés. Les dotations de l’Etat restent encore très faibles avec une situation financière catastrophique. Les autres sources subissent constamment et malheureusement des effets d’ajustements budgétaires ou des conséquences de la situation sociopolitique à la fois interne et externe. Toujours est- il, qu’aujourd’hui, les ressources restent rares dans un contexte général de crise de nos Etats et de balbutiement des processus de décentralisation. On pourrait s’interroger aussi sur l’avenir de cette dynamique dans notre pays en reconnaissant au moins que l’enthousiasme des débuts a plutôt laissé place à une certaine interrogation avec une recentralisation de nos politiques publiques. La régionalisation constitutionnalisée depuis peu est certes une avancée, mais tant d’efforts seront nécessaires pour son effectivité. Pour piloter ce chantier et tant d’autres pour la promotion d’un développement à la base, l’absence d’un ministère y « dédié » de l’architecture gouvernementale ne me rassure pas. Car d’une architecture gouvernementale. Elle ne peut être que sommaire certes, mais d’une architecture gouvernementale, une vison et des priorités peuvent être dégagées car l’organisation d’un système n’est absolument pas neutre par rapport à ces objectifs.

Dernier problème, la méthode. Je suis d’avis que tout nouveau gouvernement se doit de marquer des pas, notamment par des mesures symboliques. Attention néanmoins, à leurs multiplication et caractère populaire, voire populiste. Un programme d’urgence sera nécessaire à conduire dans ce pays, mas il est aussi essentiel pour les nouvelles autorités de tracer une vision, pour pouvoir mobiliser les acteurs. En politique publique, l’annonce de la suppression d’une recette publique devrait s’accompagner des dispositifs de compensation. D’une manière générale, il est improductif dans le temps d’annoncer des mesures politiques ayant forcément des incidences financières sans au préalable définir des mécanismes de compensation et/ou des mesures d’accompagnement pour leur effectivité. Agir ainsi permet une lisibilité de l’action, assure sa cohérence et crédibilise les institutions. L’absence de méthode brouille le message politique, interroge le citoyen et peut parfois semer le doute. Bref la méthode est essentielle dans la réussite d’une vision et d’un programme politique. Nous sommes certes dans un pays où tout pourrait être prioritaire, mais l’Homme politique a aussi pour devoir de tracer des caps, de proposer des alternatives crédibles dans le temps et non simplement de répondre à l’immédiat au risque de gouverner par l’émotion. Espérons que le programme législatif des nouvelles autorités puisse nous nous édifier davantage sur cette vision et les choix cruciaux pour les prochaines années dont on ne pourrait faire économie pour amorcer notre développement.

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