De l’exception guinéenne
Un bref retour
sur l’actualité africaine depuis 2011, montre combien la volonté populaire a eu
raison de pouvoirs politiques. L’exemple le plus frappant reste les constations
populaires en Afrique du Nord, communément appelé « printemps arabe »,
mouvement qui est loin d’avoir livré tous ses secrets. Ce mouvement marquera
durablement les pays concernés et inspirera sans nul doute beaucoup d’autres. Au-delà
des acteurs, de ces images de colère, mais aussi de ferveur populaire ;
aujourd’hui, on assiste à une réorganisation progressive de ces Etats dans un
contexte où le citoyen sais que désormais sa voix compte. Mention spéciale à la
contribution des TIC dans la mobilisation, la diffusion des idées et des
pratiques dans ce processus de réappropriation du citoyen de son destin. Ces dernières
années, il est vrai que ces Etats n’ont pas été les seuls à avoir été secoués
par la volonté populaire, souvenons-nous de la Guinée et des mouvements de
révolte notamment en janvier – février 2007. Ces
évènements ont changé le cours de l’Histoire. Ce qui est frappant au vue de
cette évolution historique en Afrique reste ce décalage dans la réorganisation progressive
de l’Etat par la mise en place d’institutions issues de consultations
populaires. Dans un contexte d’incertitudes grandes et souvent de chaos,
différents pays ont réussi au moins à organiser une consultation populaire
majeure alors que dans le même temps, les législatives guinéennes se font
toujours attendre.
Bien évidemment,
que ce soit en Tunisie, en Egypte, en Libye, cet exercice démocratique est loin
d’avoir réglé les problèmes, mais reconnaissons tout de même, que ces pays ont
le mérite d’avoir essayé de retrouver un certain équilibre politique pour la
marche en avant. A vrai dire, sur une échelle de courses, rares sont ceux qui
auraient parié sur la tenue de multitude d’élections en Afrique notamment dans sa
partie septentrionale avant les législatives guinéennes. Et pourtant, comme on
le dit souvent, les faits sont là et ils sont têtus. Pourquoi tant de temps
pour l’organisation d’une élection législative dans un pays qui détient déjà le
triste record du décalage temporel entre deux tours d’une même élection ? Oui,
chaque pays a son histoire, ses complexités, mais on ne peut constater que le statu
quo en Guinée avec des acteurs
qui sont en désaccord sur l’essentiel dans cette perspective. Pourquoi les
autres arrivent à passer des caps souvent dans des contextes beaucoup plus complexes
alors que tout nous semble être difficile ? Il est évident que toutes
les attitudes des différents acteurs sur cette question pourraient être
analysées à l’aune de stratégies politiques, ce qui, en soi n’est vraiment pas
un problème. Après tout, la démocratie en a besoin. Le problème, c’est que le
temps devient long au risque de conduire à l’enlisement du processus et
compromettre dangereusement la marche vers la démocratie. Attention, d’autres
échéances cruciales pointent à l’horizon ; les attentes des populations se
font de plus en plus pressantes ; l’immobilisme actuel pourrait conduire à
l’imbrication des agendas électoraux, sources de calculs électoraux encore plus
complexes. A regarder un peu loin, ce risque existe.
Certes
l’ensemble des acteurs devraient concourir à l’organisation de ces échéances
mais, une fois de plus, il est de la responsabilité de l’Etat, comme dans tout
pays, d’en créer les conditions. L’Etat reste l’institution qui devrait se
positionner au delà des logiques partisanes dont le seul objectif reste la
garantie de l’intérêt général. Parler ainsi dans le contexte guinéen peut
paraître insensé, mais notre histoire est suffisamment édifiante pour montrer
qu’à chaque fois que cette institution s’est aliénée cette mission, la marche
en avant collective a été semée d’embuches. Dans la tradition démocratique, il
est évident par exemple que l’administration est actionnée par le pouvoir
politique, mais il y a une nuance entre servir ce pouvoir et l’Etat car le
pouvoir politique reste passager tandis que l’Etat demeurera. Au-delà des
expériences des pays du nord de l’Afrique, le Sénégal de 2012, peut aussi nous
servir de leçons sur cette capacité d’un Etat à conduire à terme un processus
électoral. L’une des explications de ce décalage, reste la volonté politique. Il
s’agit en matière électorale, de l’engagement des différentes parties à faire
jouer les mécanismes de la démocratie, système politique dans lequel la
consultation populaire reste la source de légitimité. Pourrions-nous, nous
contenter de la situation actuelle ? J’en doute fort au regard des défis à
relever, de la veille citoyenne mais d’une manière générale de l’évolution de
notre contient où les idées et les pratiques politiques sont bousculées et les
systèmes contestés. Vivement alors une nouvelle assemblée nationale ainsi que
toutes les toutes les autres institutions, conformément au texte fondamental.
Cette inertie
actuelle crée de la méfiance, développe un sentiment de résignation, deux
choses dont les processus de développement ont horreur. Ces processus ne
peuvent non plus se résumer à l’accueil des investissements économiques, certes
indispensables, mais appellent aussi le citoyen dont la mobilisation du citoyen
est corrélée positivement à son degré de confiance vis-à-vis des institutions
politiques, lieux de débat des politiques
publiques. En démocratie, ce n’est le débat qui pose problème, mais son orientation,
son étouffement ou simplement son absence. Il reste le creuset de l’écoute
partagée, de l’expression des accords et désaccords, entre autres éléments
indispensables à la qualification des politiques publiques et à l’ancrage
démocratique. De tout temps, le politique s’est trouvé tiraillé entre l’urgence
et la nécessité d’agir pour le long terme. Aussi légitimes soient elles, les demandes
sociales en Guinée ne trouveront satisfaction durable que par le concours de
toutes les institutions requises dans un cadre démocratique. Au-delà de la
création des normes, elles traduisent notre volonté de cheminer ensemble ainsi
que notre capacité à un moment donné de faire des compromis au nom de l’intérêt
général. Aujourd’hui, aller dans le sens de leur mise en place notamment l’assemblée
nationale ne peut que conforter les efforts en cours et légitimer davantage les
différentes orientations en matière de politique publique. Et Revenant sur les
élections en Afrique, je me souviens de l’une des conclusions d’un membre de l’International Crisis Group, pour qui, l’exemple sénégalais montre que les
élections sont faciles à organiser non sans oublier de mentionner, pourvu qu’il
y ait de la volonté politique.
Commentaires