L’électricité, un bien toujours rare en Guinée



Encore des manifestations pour l’électricité et nul doute, qu’elles ne seront pas les dernières. Conakry, ville en forte expansion subit de plein fouet les conséquences dramatiques de cette situation. Voilà plus d’une décennie au moins, que la cette capitale est plongée dans l’obscurité, précarisant la vie du citoyen et tuant à doucement l’économie du pays. Cette crise énergétique pose un vrai défi pour toute perspective de développement. Comment imaginez de nos jours l’avenir d’un pays où l’électricité reste encore est si rare? Pour le constater, un voyage de quelques jours suffirait pour être plongé dans ce micmac quotidien où la quête de l’électricité relève très souvent d’un parcours de combattant, même pour les plus astucieux.  Et pourtant, le potentiel est là. De mémoire de Conakryka, cette situation est devenue au fil des années, la normale ; l’étonnant serait d’avoir de l’électricité. De mémoire aussi, un changement radical a été opéré, il y a plus d’une décennie dans le service de fourniture de l’électricité avec la création notamment d’une entreprise publique. Ce fut un changement majeur dans le modèle institutionnel loin d’être andin. Depuis, que de promesses sur la fin des délestages, des milliards engloutis dans des équipements. Résultats, la capitale est toujours dans l’obscurité sans oublier bien évidemment le reste du pays. On note une vraie dégradation du service au point qu’en 2013, à Conakry, des populations manifestent pour bénéficier de quelques heures d’électricité ou tout simplement pour que leur tour de desserte soit « respecté ». Constat d’échec implacable.  Plusieurs facteurs dont l’augmentation de la demande, le sous-équipement, la vétusté du réseau…peuvent de façon combinée, expliquer une telle situation catastrophique.

Mais à mon avis, ces éléments ne sont que la résultante d’un système organisationnel à bout de souffle depuis fort longtemps. Si non, comment expliquer après tant d’années, tant de milliards investis que parfois au cœur de Kaloum, des jours entiers que le courant soit abonné aux absents. Ces dernières manifestations ont fait écho, normal, nous sommes dans la capitale, mais les gênes occasionnés par ce courant rare voire inexistant sont pareils sur tout le pays. La souffrance est générale et le malaise grand. Combien cessent leurs activités au quotidien par manque de courant, dépensent des sommes folles en carburant pour faire tourner un groupe afin de regarder un match de foot ou une série télévisée…. On ne parle même pas là des conséquences dans les structures hospitalières ; les universités et écoles, … Toute cette énergie dépensée au quotidien aurait pu servir à d’autres initiatives, tant ce pays en a besoin. C’est aussi le manque à gagner incalculable de cette crise énergétique. Le paradoxe des derniers jours reste la réponse apportée, celle sécuritaire. Personne ne peut se réjouir de la violence dans n’importe quelle cité de la guinée, mais à croire que la réponse à cette crise aigue est de cet ordre, relève d’un calcul faux. Il ne s’agit plus de justifier l’action conduite en invoquant les milliards engloutis dans ce secteur, en établissant des comparatifs entre gouvernements pour justifier les efforts fournis. Cela est peu efficace. Le problème, c’est que toutes les initiatives qui ont été prises depuis une décennie ont échoué et celles actuelles ne semblent pas donner plus de crédit. Il est quand même du devoir de l’Etat de repenser à une stratégie qui ne satisfait pas aux attentes du citoyen. Moment, une fois de plus est venu, pour que le politique prenne par le bon bout cette question. Mais de là, à ramener cette situation sur le terrain du jeu politique actuel, très entamé par ailleurs, est contre productif voire dangereux. Les enjeux dépassent largement les démarches partisanes car, c’est notre économie, donc notre vivre ensemble, qui est en jeu.

 Les enjeux sont énormes, parce que tout simplement, un manque d’électricité hypothèque la construction d’un futur viable et une inégalité à son accès engendre celles des possibilités de développement des individus et des territoires. Et il est du devoir de l’Etat de travailler à cette cohésion sociale et territoriale permettant à chacun dans ensemble hétérogène de s’épanouir. Cette dimension sociale et politique est essentielle à intégrer pour mieux saisir ce qui est en jeu. Il y aura toujours des citoyens qui allumeront un groupe électrogène et des zones qui bénéficieront  d’un accès à l’électricité, même à des coûts exorbitants. Mais souvenons nous, de tous ces jeunes élèves et étudiants sous les lampadaires de l’aéroport Gbessia ou des stations services, de toutes ces familles qui ont perdu les leurs à cause d’une bougie, les revendications des manifestations de 2006 et 2007notamment… Pour beaucoup, la situation actuelle dans ce secteur sensible traduit l’incapacité de l’Etat à faire face aux besoins quotidiens du citoyen et le ressentent comme une injustice qu’il faut corriger.  Ceux qui manifestent sont certes lassés par cette galère quotidienne mais expriment aussi la nécessité de la république de travailler à l’égalité de ses citoyens vis-à-vis de biens considérés comme essentiels pour un développement individuel et collectif, lesquels ont fournis dans des pays comme les nôtres, mêmes avec des difficultés. En regardant cette crise par ce biais là aussi, peut être que notre intelligence collective nous aidera à trouver de meilleures solutions. Personne ne peut imputer l’état de se secteur au gouvernement actuel, mais à son tour de reconnaître que les initiatives conduites depuis plus deux ans donnent peu de résultats, pour ne pas dire un échec, alors que l’heure du bilan n’est pas encore arrivé. Toute de même, en politique publique aussi, plus que les résultats, ce sont les tendances qui sont beaucoup plus instructives. Car avant tout, elles rendent compte de l’efficacité de la démarche et si besoin permettent de corriger le cap.

 Il est évident de nos jours que notre potentiel est sous exploité, je ne parle même de mix énergétique alors qu’il y aurait de quoi mixer. Le stockage et la distribution sont défaillants et le service commercial laisse à désirer. Bref sur toute la chaîne de la fourniture de l’électricité, pas besoin d’être un fin connaisseur pour se rendre compte que le système est vraiment à bout de souffle. Et curieusement, cette crise n’a vraiment pas été au menu de la dernière campagne présidentielle. Comme pourrait-elle l’être alors qu’en vérité, il n’y a pas eu débat. Ceci illustre parfaitement, si besoin en est encore, notre incapacité collective à poser un débat serein sur des questions essentielles. Mais bon, à vrai dire aussi, il est plus facile de papoter sur les composantes ethniques, en créant des clivages, en faisant émerger des singularités pour faire croire que… Ne serait ce que pour cela, et dans une logique d’apprentissage, vivement une nouvelle assemblée nationale. Est-ce qu’aujourd’hui, Electricité de Guinée a les capacités techniques, financières et managériales pour assurer correctement la fourniture de l’électricité ? On a beau tourner au bout du pot, c’est la seule question qui vaille et elle est politique. De mémoire, des responsables ont été remerciés pour ne pas dire virés, des sommes folles investies, des audits de gestions ont été conduits … sans résultats tangibles sur le quotidien et dans la durée. Conclusion, le problème n’est pas technique mais institutionnel traduisant la philosophie et engendrant l’organisation. Plus largement, aujourd’hui en guinée où l’Etat a été très malmené, est qu’une entreprise est en mesure de fournir un tel service essentiel de nos jours ? Il est vrai que beaucoup de regards souvent très critiques, non sans raison d’ailleurs, ont été portés sur les partenariats public-privé dans des secteurs comme l’électricité, mais devrions nous continuer à subventionner une entreprise qui ne satisfait pas aux exigences du service demandé ?

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Conakry, Capitale Mondiale du livre en 2017 : la mobilisation ne fait que commencer

« En Guinée, la décentralisation a buté sur sa forte politisation »