Sortons un peu des mines
La guinée et les mines, un long feuilleton semé d’embuches. Que de
projets, de discours, de promesses autour de nos ressources minières.
Aujourd’hui encore, une bonne dose de l’énergie de l’Etat y est consacrée. La
réalité, les mines ont capté l’esprit du guinéen, retenu l’attention des
gouvernements, devenues de sources de promesses de lendemains meilleurs pour de
millions de citoyens. Il y a de quoi car le sous-sol guinéen est riche, voire
très riche. Dans un contexte d’une demande mondiale en hausse pour certains
minerais, notamment le Fer, la Guinée est au centre d’intérêts et attise les
convoitises, notamment des multinationales du secteur. Cela ne se fait pas sans
remous, tant les enjeux économiques, financiers et géostratégiques sont
importants autour des ressources minières. Le problème en guinée, ce n’est pas
que nous en détenions, mais de ce que nous en avons fait, et surtout, de ce que
nous souhaiterions en faire. Les faits étant têtus, l’exploitation minière est
loin d’avoir contribué au bonheur du guinéen, elle a surtout assuré le
fonctionnement de l’Etat. Au regard de la situation de l’administration et de
la qualité des services publics, nous ne pourrions pas non plus, nous en
réjouir. La vison a clairement manqué dans ce secteur pourtant à fort
potentiel. Nous n’avons pas su maîtriser les chaînes de valeur et surtout
diversifier l’économie. Aujourd’hui, on peut constater une prolifération
d’acteurs du secteur, allant des multinationales, aux lobbies en passant par
des individus dont on ignore complètement le rôle et la responsabilité dans
divers dossiers.
Le fait est que les contentieux se multiplient entre l’Etat et des
multinationales, et entre les multinationales elles mêmes. Il est clair que la
volonté affichée de renégocier les contrats miniers n’est pas du goût de tous.
On voit des individus et des lobbies pousser, des gouvernements toujours à
l’affût de la moindre occasion pour défendre leurs positions. Et pendant ce
temps là, des citoyens, sont toujours dans l’attente de réaliser leurs rêves,
tant les promesses ont été nombreuses. Dans ce contexte, les récentes
révélations dans la presse internationale ne sont de nature à rassurer quant à
l’aboutissement de ces projets, tant les enjeux sont importants pour les
acteurs en scène. A lire attentivement, on se rend compte que nous sommes dans
une vraie jungle avec des acteurs multiples, connus ou dans l’ombre, chacun
poussant ses propres pions. Mieux encore, d’autres serviraient plusieurs
intérêts via des réseaux occultes, sources de corruption. Il est évident que les
faiblesses institutionnelles de l’Etat guinéen, durant notamment cette dernière
décennie ont été mises à rude épreuve. L’Etat a été noyauté par des individus
aux desseins troubles, des lobbies se sont accaparés des mécanismes de décision
publique posant clairement la question de la défense de l’intérêt général et du
fonctionnement en tant qu’institution. Conséquences, des contrats que l’Etat
estime en sa défaveur, des procès en cours, des investissements
différés voire annulés, des sorties et rentrées de multinationales… le tout
dans un climat de lourd suspicion, d’allégations de corruption.
Problème, malgré la volonté de transparence affichée par l’Etat, rares
sont ceux qui peuvent vraiment vous expliquer ce qui se passe dans le secteur
minier et surtout comment, l’Etat compte tirer son épingle du jeu. Parfois,
nous avons du mal à savoir qui bosse pour qui ? Et certains qui s’activent
sur plusieurs dossiers, pourquoi ils le font, comment ils le font, avec qui et
surtout avec quel mandat ? L’Etat en dit long sur sa volonté de renégocier
des contrats, mais reste carrément muet sur les ressources mobilisées pour
arriver à cet objectif. Le secteur minier guinéen est au centre d’un jeu explosif,
aux armes inégales où les parties ne se feront certainement pas de cadeaux. Qui en sortira vainqueur, l’avenir nous le
dira, mais d’ici là, une question fondamentale demeure, devrions nous continuer
à assoir notre stratégie de développement sur les mines ? On n’a
toujours voulu faire des mines, un moteur de la croissance économique en
guinée, mais force est de constater que cela a été un échec. Il n’y a qu’à voir
Boké, Fria, Siguiri, Kérouané pour comprendre que la stratégie a manqué du coté
de l’Etat. Elles n’ont ni été valorisées, ni entraîner la création d’activités
nouvelles, capables d’impulser des dynamiques de développement. Elles ont tout
au moins servi à l’éclosion de villes minières où la richesse parfois insolente
côtoie, la misère. Ces éléments devraient nous inspirer davantage face à la
situation actuelle. Il est connu que la détention de ressources naturelles ne
suffit guère à assurer le progrès, la guinée ne fait pas exception. A cela, il
faut ajouter le fait que l’industrie minière a ses propres exigences et
logiques de production et d’organisation. Il s’agit avant tout d’une industrie
qui a besoin du temps, car les investissements d’aujourd’hui ne seront
rentables que des années, plus tard.
Et pendant ce temps là, forcément, dans notre pays, la demande sociale
aura augmenté et nul gouvernement ne pourra réclamer de la patience aux
populations. Ce décalage temporel important milite pour la recherche
d’alternatives crédibles dans la conduite de nos politiques publiques.
L’industrie minière est très capitalistique, on parle de milliards de dollars
d’investissements. Et il est évident que l’Etat guinéen ne peut absolument pas
peser sur ces tours de tables et même la constitution de sociétés à capitaux
partagés, n’est pas une garantie de son influence future. Un autre élément
reste la disponibilité de l’énergie, là aussi, il s’agit d’une contrainte
impossible à lever pour le moment. Kaléta est en route, mais l’exemple de
Garafiri devrait nous faire réfléchir encore, tant il y a eu des promesses à son
temps. A cela il faut ajouter l’élément fondamental, à savoir la stabilité
institutionnelle dont l’économie de marché a besoin et singulièrement dans les
industries extractives pour l’efficacité dans la production et l’allocation des
ressources. Le contexte politique est certes tendu, des progrès sont tout de
même à noter. Touchons du bois, tant ce contexte peut être sujet à
rebondissements. Voilà quelques arguments qui me font douter de la pertinence
de cette stratégie de développement basée sur les mines en guinée. Ce pays a
besoin d’exploiter ces ressources naturelles, mais on sent nettement que face aux enjeux, des pans entiers de l’économie dans les faits ne
mobilisent vraiment pas l’énergie de l’Etat pour trouver des ressources afin de
créer les conditions de leur mise en valeur.
Les discours et les actes sont clairement portés vers le secteur minier.
Que rencontres en guinée et en dehors, de ressources mobilisées, bref, un pays
tenu en haleine par ses projets miniers. Chacun attend le démarrage du prochain
épisode, chacun veut y voir sa part. Les mines en guinée, c’est comme les
feuilletons télévisés, ça occupe toute le monde, mais en réalité peu de gens
savent pourquoi. Et pourtant c’est sérieux, car derrière chaque projet, des milliers
voire de millions d’Hommes se projettent pour eux, leurs familles, leurs
terroirs. En réalité, le pays en a fait actuellement son leitmotiv sur la scène internationale sachant que les investissements
miniers sont dépendants de facteurs souvent externes (conjoncture économique,
disponibilité de produits de substitution, évolution des contextes politiques,
…). Les milliards de dollars annoncés peuvent arriver dans des
conditions différentes demain, ou ne pas arriver, d’où la nécessité d’avoir un
vrai plan B, voire un plan C costaud. La guinée ne maîtrise ni les financements
des multinationales, ni leurs stratégies d’actions, ni leur timing, … elle
dispose de ressources et manifeste sa volonté de les exploiter à travers des
contrats dits gagnant-gagnant. Convenons quand même que dans un schéma type, la
force de l’initiative et les possibilités d’influer sur les évènements se
trouvent davantage de l’autre côté. Des secteurs comme l’agriculture, le
tourisme, les nouvelles technologies, la pêche peuvent être porteurs de la
croissance car ayant des effets d’entraînement importants en termes de
dynamiques territoriale (création des richesses, implication des acteurs,
emploi de la main d’œuvre).
Il est vrai que les projets miniers attirent l’attention, mais des
projets de moindre envergure, de moins de bruit peuvent changer la vie de
millions de guinéens. Ils sont moins capitalistiques, moins contraignants et
pourraient avoir plus d’impacts sur la vie de nos concitoyens. Actuellement,
s’il y a un domaine guinée est vraiment en retard, mais qui est essentiel à la
création des conditions d’un décollage économique, c’est bien les
infrastructures notamment routières. On est tous frappés par la vétusté du
réseau, mais personne n’est ému que les gouvernements passent leur temps à
vendre des projets miniers qu’à construire des routes par exemple. On sent là,
le déséquilibre dans la politique poursuivie. Vous me direz que les routes
coûtent de l’argent. C’est vrai. Mais, combien l’Etat guinéen continue de
dépenser pour simplement vendre ses projets miniers ? A chacun de faire de
s’y aventurer en essayons d’imaginer tous les coûts (économiques, sociaux,
financiers, institutionnels y compris le lobbying…). A mon avis, nous payons
déjà très cher. Il faut le voir aussi en termes de stratégie globale de l’action
publique, car à chaque fois qu’un secteur économique mobilise autant l’Etat, il
est évident que d’autres en paient en termes de priorité. Cela à l’idée, peut être
que nous rendrions compte, que des projets mis en avant ne sont pas forcément
les plus utiles pour le développement du pays. Très concrètement des projets de
bitumage des axes routiers Kindia-Télémilé-Gaoual ;
Koundara-Mali-Labé-Tougué-Dinguiraye-Siguiri ; N’Zérékoré-Beyla-Kankan-Mandiana-Siguiri….
auraient-ils moins d’impacts sur le développement national que les projets
miniers ?
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