Chronique d’une élection annoncée 2 : Des PPPP dans les services essentiels



Comment avoir de l’eau et de l’électricité de façon permanent chez soi ? C’est certainement, l’une des questions que beaucoup de guinéens se posent en longueur de journée tant les difficultés d’accès se font légion. Il s’agit là de deux secteurs où les résultats de l’action publique amènent à un questionnement profond de la part des décideurs, mais aussi des citoyens pour identifier les facteurs objectifs ayant conduit à cette situation. Tout le monde se plaint mais se pose-t-on la vraie question ? Tel est le contenu de ce billet. On a coutume souvent en Guinée, notamment dans la conduite des politiques publiques de traiter des questions subsidiaires, de vouloir traiter du factuel sans se préoccuper vraiment des cadres qui les régissent. Telle est la situation des secteurs de l’eau et de l’électricité qui font face aujourd’hui à un déficit d’investissements en infrastructures, à des faiblesses dans les capacités techniques et organisationnels, à des défauts criants de management. Et pourtant, les besoins sont en constante augmentation. Voilà le gap à corriger. Pour y arriver à mon avis, la Guinée doit s’inscrire résolument dans une logique de changement profond passant nécessairement par la refonte des cadres institutionnels et organisationnels. Cela vaut plus encore pour les secteurs de l’énergie et de l’hydraulique. Une amélioration sensible de la fourniture en eau et électricité nécessite la mise en place de véritables PPPP permettant de mobiliser à la fois les capacités financières et l’expertise dont ces secteurs ont ardemment besoin. On le voit dans certains pays dont les caractéristiques sont proches du nôtre où ces expériences marchent, certes avec des difficultés, mais au finish, le citoyen a accès aux services avec un fort impact sur le développement. 

L’histoire récente de la Guinée permet de faire un bilan de nos propres expériences.  Il est évident qu’entre temps, la demande a augmenté, mais cela se saurait être le seul élément explicatif. De l’argent public, il en a été mis ; des responsables ont été changés maintes fois, les gouvernements successifs se battent, chiffres à l’appui pour justifier leurs interventions, … Résultats en 2015, les citoyens sont loin d’être satisfaits du niveau et de la qualité des services. Ce sont là des faits que nul ne peut contester et pour preuve, la rue devient souvent, le lieu d’expression de cette colère. Finalement quant autant de ressources ont été injectées avec les résultats que nous connaissons, la seule question qui vaille est relative à la capacité de l’organisation à satisfaire les exigences. Autrement dit, la SEG et EDG sont-elles en capacité de fournir aux populations des services requis ? Chacun se fera son opinion. Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins, la Guinée a plus que besoin d’une fourniture correcte de l’eau et de l’électricité pour booster sa croissance et espérer ainsi améliorer son niveau de développement. L’une des conditions reste la refonte totale de l’organisation dans la fourniture de ces services. La mise en place de PPPP s’impose pour redonner un nouveau souffle aux initiatives dans ces deux secteurs. Il est évident que cela pourrait se heurter à des intérêts catégoriels comme dans toute réforme majeure. Mais, une fois de plus, le rôle de l’Etat demeure la défense de l’intérêt général. C’est la raison d’être de cette collectivité publique. De telles expériences marchent ailleurs. Aujourd’hui des capitales, villes et villages d’Afrique ont de l’eau, de l’électricité, des systèmes de gestion des déchets qui donnent satisfaction aux citoyens. 

Pourquoi cela ne serait-il pas possible en Guinée ? A vouloir le beurre et l’argent du beurre, on risque de rester encore pour longtemps dans cette situation. Et pour y remédier, la volonté politique doit être manifeste. Il faut toujours un courage politique pour remettre en cause des acquis. Les PPPP restent aujourd’hui des instruments à la disposition de la puissance publique pour la fourniture de services avec une mutualisation des risques avec le privé, une complémentarité dans l’apport des ressources, une implication des citoyens et une gestion multi-acteurs. Il s’agit là de mécanismes favorisant la coopération avec des acteurs privés dont l’expertise a été démontrée dans la fourniture desdits services. On le voit dans ces deux secteurs, Ce n’est pas simplement une question d’argent mais bien plus d’expertise indispensable pour définir des stratégies, mobiliser des ressources et créer un environnement favorable à l’intervention de plusieurs acteurs. Il y a tout un cadre institutionnel et organisationnel répondant aux exigences du moment à définir. Actuellement, dans le secteur de l’énergie par exemple, on ne jure que par Kaléta, il y a  de quoi. Mais attention, les efforts risquent d’être vains si l’organisation et la gestion du service ne changent pas profondément. Les réformes institutionnelles sont indispensables lorsque l’on souhaite le changement dans la conduite des politiques publiques. Le problème, ce n’est pas d’avoir de l’électricité au barrage de Kaléta mais bien dans les foyers avec les normes techniques requises et un coût abordable pour le consommateur. L’histoire de Garafiri est encore fraîche dans nos mémoires. Que d’illusions perdues au passage. Cela montre une fois de plus qu’au-delà des investissements financiers, la stratégie à moyen et long terme devrait être clairement pensée. C’est elle qui guide l’action dans le temps. 

D’ailleurs, pourquoi continuer à payer via l’argent public un service loin de satisfaire les exigences des citoyens, qui par moment descendent dans la rue pour exprimer leur ras le bol ? Dans cette période de vaches maigres où il est demandé aux citoyens de serrer les ceintures, l’Etat doit-il continuer à subventionner des secteurs si défaillants en termes de résultats ? Ce sont des interrogations légitimes du citoyen et il appartient à l’Etat aujourd’hui gestionnaire de ces différents services d’en apporter les réponses appropriées. On peut noter que dans cette situation catastrophique de desserte de l’eau et l’électricité, le citoyen perd double. Non seulement en tant que privé, il continue de payer un service qui est loin de satisfaire ses exigences et en tant que contributeur public car ces deux secteurs sont de véritables gouffres financiers pour l’Etat. Toujours est-il, cette question d’accès à l’eau et à l’électricité devrait logiquement figurer à l’agenda de cette année électorale pour voir concrètement comment ceux qui aspirent à nous gouverner comptent vraiment s’y prendre. Il nous appartient de faire de cette question, un sujet de débat public où les acteurs de la vie politique et les citoyens prendront toute leur part de responsabilité. Sur des questions aussi importantes, le problème reste l’absence de débat. Nous pourrions être d’accord sur les constats, mais pas forcément sur les causes et les solutions. C’est tout l’intérêt de créer des espaces d’échanges pour que s’expriment des points de vue différents. Ainsi, et cela a été démontré ailleurs, la conduite des politiques publiques gagnerait en efficacité et adhésion, tout en mobilisant l’expertise disponible à cet effet.

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