La Chine-Afrique : entre craintes et espoirs

La Chine, quatrième puissance économique se tourne depuis peu vers l’Afrique. Certes, bien avant les indépendances et sûrement très loin encore, ce pays a noué des relations diplomatiques avec l’Afrique, mais la fin du siècle dernier nous a offert un autre climat avec le passage à une véritable Politique Africaine de la Chine où la composante commerciale est déterminante. Son émergence sur ce continent en marge de l’évolution globale, notamment sa partie subsaharienne inquiète certains milieux conservateurs (pays développés) et enthousiasme des populations pour l’accès aux produits moins chers. Les « fils » de Confucius s’établissent en Afrique dans le commerce, l’industrie, l’artisanat…et en un temps record, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial de l’Afrique juste derrière la France et la question qui se pose c’est bien évidemment les véritables raisons de cette diplomatie commerciale active. Connaissant la Chine, il est clair que ses besoins économiques et ses aspirations sur la scène politique internationale demeurent les deux fondements de cette diplomatie active vers l’Afrique.

L’Afrique est connue et ce, depuis longtemps pour être un réservoir de matières premières, chose qui a historiquement structuré ses relations avec l’Europe. L’histoire du développement montre que la sécurité énergétique demeure un des fondements de toute croissance économique à long terme, et trouver des sources d’énergie et sécuriser les voies d’acheminement sont au cœur des politiques extérieures des pays développés et émergents. La Chine en tant que deuxième consommateur d’or noir et premier importateur de bois et de nombreux minerais a besoin de diversifier et de consolider ses sources d’approvisionnement, et pour ce faire, se tourner vers l’Afrique demeure une option crédible. Le choix de partenaires comme le Soudan, la Guinée Equatoriale, l’Angola, la Mauritanie…pays fortement dotés de ressources pétrolières et minières confirme largement cette vision.

Se positionner politiquement et demeurer incontournable dans la gestion des affaires Africaines est un objectif inavoué de la Chine et le statu quo au Soudan en est un exemple malheureusement triste. La puissance politique de la Chine à l’échelle internationale est incontestable et séduire le plus grand bloc de votes à l’ONU pour l’implanter davantage demeure une impérieuse nécessité, histoire de dire à ces pays « au moment opportun, vous pourrez compter sur nous ». Cela permet à ce pays d’apparaître comme toujours à savoir le défenseur des intérêts des pays pauvres notamment d’Afrique dans une mondialisation où les agendas internationaux en terme de négociations sont de plus en plus imbriqués.

L’ascension de la Chine et de certains pays de la région a des composantes importantes dont les modèles de développement qui y ont été appliqués avec une dimension fortement endogène. Au libéralisme général prôné par les institutions internationales, s’est substituée une ouverture graduée de leurs économies. A la conception du tout puissant marché, l’Etat s’est allié pour des partenariats publics privés en menant le plus souvent des politiques agressives en terme de conquête de marchés. Ces aspects pourraient constituer de véritables leçons pour tous les acteurs de développement en Afrique. L’offensive de la Chine en Afrique a au moins le mérite de montrer une fois de plus qu’il y a nécessité pour les pays occidentaux de repenser leurs politiques de coopération Africaine et ce continent malgré ses handicaps socio-économiques ne peut plus être considéré comme un pré carré d’aucune puissance.

Des questions subsistent encore sur le contrat gagnant-gagnant supposé de la coopération Sino-Africaine. Sur le plan économique, des pans entiers de secteurs sont en voie de disparition (textile, artisanat…) du fait de la concurrence déloyale et de la faiblesse des soutiens publics de ces pays à leurs systèmes productifs. Le recours à la main d’œuvre importée, la faiblesse des transferts de technologies…et l’exploitation abusive des ressources naturelles conduisent à terme à une paupérisation accentuée des populations. Voila quelques unes des questions qui méritent d’être débattues avant de se réjouir ou non de la coopération Sino-Africaine. La doctrine « The Business is best » appliquée par la Chine constitue une vision à court terme sacrifiant les droits de l’Homme au profit des exigences économiques (référence Soudan). Ma conviction reste de que cette vision est préjudiciable aux intérêts de la Chine et des pays d’accueil, l’empire du milieu a intérêt à revoir sa copie diplomatique pour mieux intégrer les besoins des populations Africaines et éviter leur maintien dans la pauvreté.

La Chine illustre les difficultés inhérentes au capitalisme à savoir concilier croissance économique, progrès social et protection de l’environnement. Cette question mérite d’être posée car, si les contextes ont changé, son cheminement peut être rapproché à celui des pays développés, la seule chose qui reste intacte, c’est que l’Afrique demeure la grande perdante. Que deviendra t-elle lorsqu’en plus de la Chine, nous aurons l’Inde, le Brésil…Toujours est il que la nécessité de la réflexion s’impose sur le capitalisme et l’Afrique. Car, la pauvreté et la misère dont souffrent ses populations restent insoutenables (aux conséquences imprévisibles) au regard des richesses qui se créent d’où l’urgence de l’action de l’ensemble des acteurs de l’économie globale. L’offensive Chinoise en Afrique prouve que dans la globalisation, contrairement aux idées reçues, les intérêts économiques et politiques restent indissociables et l’Etat a encore un rôle majeur à jouer dans la conception et la mise en œuvre de toute stratégie de développement qui se veut durable au sein d’un pays.

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