Relire Keynes s’impose

Janvier 2008, que d’évènements importants sur le plan économique dans le monde et aussi bien en France. L’actualité économique reste dominée par les conséquences de la crise des prêts hypothécaires aux Etats-Unis de l’été 2007 dont plusieurs institutions financières en font encore les frais au premier desquels en France la Société Générale. La récession aux Etats-Unis se profile à l’horizon pour plusieurs spécialistes et ce, malgré les propos rassurants du président Bush lors de son dernier discours sur l’état de l’union se résumant en « ayez confiance ». La France avec l’affaire de la Société Générale est mise au devant de la scène Européenne, la fragilité actuelle de cette banque aiguise des appétits de repreneurs potentiels tels la BNP et d’autres établissements Européens. La gestion de ce dossier par les politiques français mérite tout de même une certaine attention. La volonté affichée de Paris de sauver cette banque et ce, quel que soit le prix est réel. Des propos même du premier ministre Fillon, l’Etat ne laissera pas tomber cette entreprise, fleuron de l’économie française. Pour François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste, dans des situations pareilles, l’Etat a un instrument à savoir la caisse des dépôts, instrument financier au service de la puissance publique, même si cette conception du fonctionnement de l’économie de marché n’est pas étonnant de la part d’un socialiste. Sur cette question un certain consensus semble se dégager pour sauver cet établissement bancaire en cas de nécessité. La seule institution qui rappelle Paris à l’ordre très timidement reste pour le moment l’Europe en demandant juste à l’hexagone de traiter de façon égale les repreneurs potentiels de la Société Générale en cas de cette éventualité

A cela si on rajoute le plaidoyer du président Sarkozy chez ArcelorMittal qui veut fermer une usine de production à Gandrange (Moselle), il est légitime de se demander si dans la conception économique des choses, celui qui est présenté comme étant le plus libéral en France, l’est vraiment car à son palmarès, il y a le sauvetage Alsthom, l’imbroglio Suez- Gaz de France, la critique permanente sur la politique monétaire de la BCE, l’appel à la régulation de la globalisation financière…aujourd’hui, le président Français apparaît comme le champion des usines françaises, avec une idée claire l’Etat sauveur potentiel d’entreprises en difficulté au nom du maintien de l’activité et des emplois. Il (président) est conforté dans cette position rien qu’en voyant le redressement de Alsthom loin de nos jours des péripéties de 2004. Ce qui interroge nombre d’observateurs une fois de plus sur le rôle de l’Etat dans l’économie, doit il ou non investir dans une entreprise privée à plus forte raison sauver une unité de production menacée de fermeture ? Une telle option est bien évidemment le comble des fanatiques du marché et pourtant nombreux sont ceux qui sont fiers du sauvetage de Alsthom rien qu’en voyant le TGV du futur (Automotrice à Grande Vitesse), c’est dire que cette entreprise détenait du savoir et savoirs faire encore exportables au bout du monde.

Ce comportement n’est pas une critique en soi car si la France est aujourd’hui encore une puissance économique avec une certaine cohésion sociale et territoriale en dépit des insuffisances c’est grâce à l’affirmation et à la matérialisation de cette idée géniale qu’est le colbertisme, ancêtre sans nul doute du patriotisme économique cher à monsieur Dominique de Villepin, et ceci quels qu’aient été les rapports de force politiques. L’Etat Français a-t-il un jour abandonné le dirigisme économique ? Dans l’ensemble non. Mais ceci n’est pas non plus une spécificité de ce pays. La gestion de la crise des prêts hypothécaires aux Etats-Unis, elle aussi est édifiante, le coup de pousse important de la réserve fédérale en terme de baisse de taux directeur, le plan budgétaire de relance de plus de 100 milliards US$… ces exemples, sans oublier le sauvetage de la Northern Rock au Royaume Uni l’été dernier mais aussi les dynamiques économiques asiatiques doivent encore faire réfléchir tous les tenants encore de l’orthodoxie budgétaire et de l’application des mécanismes du marché dont le premier principe demeure la concurrence, tous ceux qui pensent encore que l’Etat ne peut rien. Alors qu’en réalité il est à la fois le tenant et l’aboutissant de toute stratégie de développement qui se veut durable dans un espace économique et politique bien défini à condition qu’il fasse preuve de responsabilité. Ce début de 2008 montre suffisamment que s’il y a un économiste encore vie, c’est bien Keynes. Les puissances publiques des pays industrialisés jouent les rôles qu’il leur a assigné en cas de conjoncture défavorable à savoir aider à la relance de l’activité et favoriser la redistribution.

Relire Keynes s’impose vraiment tant le libéralisme économique tel qu’il se pratique est loin de celui de Smith, vous me direz il y a longtemps… alors celui de Hayek. L’honnêteté intellectuelle pousse à expliquer que la concurrence ne devrait être considéré comme une fin en soi. C’est avant tout un moyen et aujourd’hui les différences d’analyse se voient nettement dans les relations économiques internationales, où on sait que l’ouverture économique reste avant tout un instrument de défense d’intérêts propres de la part des Etats, ce qui explique d’ailleurs les tractations sur le cycle de Doha qui s’était donné comme noble mission de faire du commerce un facteur de développement. Aujourd’hui relire Keynes est nécessaire tant ses idées sont d’actualité, sa façon de concevoir le fonctionnement de l’économie et le rôle surtout de la puissance publique. Nombreux sont les exemples qui prouvent dans les pays développés et ceux émergents que la puissance publique reste encore le maître du jeu économique. Il est vrai que la relation entre économie et politique s’est davantage complexifiée avec l’apparition des firmes globales et la conquête des marchés. Quel élément est au service de l’autre ? nous serions tentés de dire que le politique est au service de l’économique aujourd’hui, mais en réalité l’interdépendance est très forte même si il ne faut jamais oublier que l’économie est une science essentiellement politique. La reconnaissance de l’importance des institutions, la gestion de l’environnement, la montée des questions sociales…ces dernières années montrent à suffisance les limites de l’économie de marché dans sa conception libérale telle qu’elle est comprise actuellement. D’où tout l’intérêt de relire et de comprendre la version Keynésienne et post Keynésienne de l’économie de marché.

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