Déby versus Bockel

Le récent remaniement ministériel Français après la cuisante défaite de l’UMP aux municipales outre le fait d’avoir engendré de nouveaux postes est intéressant pour tous ceux qui suivent de près l’évolution de la relation France Afrique à l’épreuve de la « rupture ». Jean Marie Bockel, réélu in extremis maire de Mulhouse s’en va, évincé du secrétariat d’Etat à la coopération et à la francophonie. Drôle de coincidence, quelques temps après sa sortie fracassante sur la relation France Afrique, une relation selon lui de réseaux et de connivences, et appelant à plus de transparence et pour une promotion de la bonne gouvernance sur le continent. On se rappelle encore du tollé général que cela a provoqué sur le continent dans des pays comme le Gabon, le Congo…considérant (au niveau de leurs élites politiques) cela comme un offense préméditée. Résultat, pour nombre de spécialistes, ces paroles lui ont coûté son poste pour se voir attribué désormais un secrétariat d’Etat à la défense et aux anciens combattants. Pour peu que l’on connaisse la hiérarchie gouvernementale en France, on ne pourrait appeler cela une promotion, bien au contraire. Quelques jours après, on apprend la grâce par le président Déby des membres de l’arche de Zoé, une grâce arrivant très clairement comme une des contreparties du soutien de la France au régime de Ndjaména lors des évènements de février dernier. Que n’ont pas été les interprétations de l’accord de défense liant les deux pays pour séparer ces deux éléments depuis que cette possible grâce fut évoquée, menant l’opinion publique dans des polémiques inutiles car, in fine, il est clair que sans le soutien de la France, déjà en 2006 et cette année encore, Déby aurait eu plus de difficultés à s’en sortir.

Ces deux événements sont importants en terme d’analyse pour suivre la matérialisation du de la « rupture » tant prônée et chère au président Sarkozy y compris dans la relation entre la France et l’Afrique. Aujourd’hui, nul doute que dans les faits, cette relation sous tendant réseaux et connivences demeure toujours et, cela au grand désarroi de ce continent ayant fortement besoin d’un nouveau souffle pour faire face aux opportunités et aux défis actuels. Et peut être ainsi l’Homme Africain rentrerait davantage dans l’histoire car, parait-il, il n’y était pas rentré ou du moins pas suffisamment. Toujours est-il que ces deux évènements donnent raison à tous ceux qui pensent que la realpolitik s’impose sur les idées, sur les valeurs dans la relation bilatérale entre la France et l’Afrique mais pas singulièrement, engendrant une certaine idée de l’Homme et de son rapport avec autrui. Pour ce qui est de la rupture tant prônée il y a quelques mois, force est de constater qu’elle n’est pas encore au rendez vous. Une nouvelle diplomatie Française en Afrique reste à inventer mais problème, comment faire du neuf avec l’ancien ?...Là demeure toute l’interrogation car la connivence d’intérêts entre certains politiques Africains et Français font que ces deux acteurs se partagent la responsabilité de la situation.

Il parait qu’il faut travailler plus pour gagner plus, plus de récompenses à ceux qui prennent plus de risques telles sont les principales lois économiques de notre temps. Malheureusement cette logique ne s’applique pas toujours en politique. Monsieur Bockel en a fait les frais et pourtant ayant pris le risque et oser dire des choses largement partagée par cette élite Africaine soucieuse de l’émancipation de ce continent. Il devrait être promu comme ce fut le cas d’autres ministres en compétition lors des municipales. Après le discours de Dakar, revu et corrigé en profondeur par celui du Cap, la politique Africaine de la France au sens noble des termes se cherche, elle a besoin d’une réorientation profonde conforme aux aspirations de toute une partie de la jeunesse de ce continent, une cohérence entre les paroles et les actes et l’on suivra avec attention l’épineuse question de la présence militaire française en Afrique et heureusement encore le projet des Etats-Unis « Africom » est mort-né dans sa configuration actuelle. Pour monsieur Bockel, il se rappellera toujours de ce qu’avait dit un certain Jean Pierre Chevènement « un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule ». Une chose est certaine aujourd’hui, c’est que le match Déby versus Bockel (UN) durera encore et opposera sans nul doute pour longtemps deux camps. Les partisans d’une certaine idée de la France Afrique centrée sur les réseaux et les connivences au sens bad des termes et ceux d’une tout autre idée ancrée sur le respect réciproque, la promotion humaine et sociale, et la pratique de la bonne gouvernance. Ces derniers qui j espère un jour triompheront aux grands bénéfices des peuples Français et Africains, il n’y a qu’à voir ce que la realpolitik coûte effectivement à ces deux peuples dans leurs dimensions tant économique, social que politique.

Il ne faudrait surtout pas s’étonner dans l’avenir de la baisse de la côte de la France en Afrique, de sa perte de vitesse sur un continent dont il a tant besoin et ayant aussi besoin d’elle si l’éléphant tant annoncé arrivait toujours avec un pied cassé. Au successeur de Monsieur Bockel, la voie est toute tracée et consigne donnée, surtout pas déranger aux humeurs des tenants encore de cette France Afrique, certes peu nombreux mais détenant des leviers importants car se trouvant tout simplement dans les rouages du pouvoir. Une France Afrique née aux lendemains des indépendances inadaptée aujourd’hui, il n’ y a qu’à voir les résultats atteints. S’inscrire dans une telle démarche serait périlleux tant l’Afrique de nos jours n’est pas celle d’il y a des décennies dans l’intérêt que porte les opinions publiques dans la gestion de leurs pays respectifs. Ce constat reste largement valable pour l’ensemble des partenaires de l’Afrique. Avec la révolution des média et l’action de groupes de citoyens, les choses bougent dans la conscientisation des peuples à s’impliquer davantage dans la gestion de leurs affaires collectives. Les peuples essaient de s’approprier les questions et de comprendre ce qui leur arrive, même s’il est vrai que ça et là sur le continent, les vitesses sont lentes pour nombre d’entre nous tant nous aurions aimé que ça aille plus vite. Cette donnée reste essentielle et il faudrait en tenir compte dans l’avenir en témoignent les évènement de janvier février 2007 en Guinée, et les multiples manifestions populaires dans nombre de pays pour des conditions de vie décentes.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L’électricité, un bien toujours rare en Guinée

Conakry, Capitale Mondiale du livre en 2017 : la mobilisation ne fait que commencer

« En Guinée, la décentralisation a buté sur sa forte politisation »