L’Afrique dans la tourmente de la crise alimentaire

Qu’elles sont nombreuses les images qui nous arrivent par le biais des médias sur les conséquences directes de la hausse généralisée des prix des denrées de première nécessité (céréales, huiles….). Dans de pareilles circonstances, on pense bien évidemment aux effets d’une telle crise sur les pays dits pauvres qui dans une grande majorité pour se nourrir font appel aux marchés mondiaux. L’Afrique, on le voit avec cette crise n’est pas malheureusement épargnée et peut être la plus touchée avec une multiplication des manifestations contre la vie chère sur l’initiative des organisations syndicales. Les images venues d’Égypte, quand même l’une des plus grandes économies du continent où encore des populations se battent pour des niches de pain devraient nous faire davantage réfléchir à la fois sur la responsabilité individuelle des États mais aussi celle collective d’une certaine manière que nous endossons tous. Nul besoin de rappeler que nombre de pays où ce manifeste cette crise, connaissent déjà les conditions de vie très précaires et une probabilité d’instabilité politique importante. Comment éviter le recours à la violence lorsque des peuples entiers n’arrivent plus à satisfaire leurs besoins alimentaires au quotidien ? Comment promouvoir la stabilité et la démocratie lorsque le droit à l’alimentation devient un rêve pour de millions de pauvres ? Comment empêcher le ras le bol de citoyens appelés à rationaliser leurs repas quotidiens ? Ce n’est pas une blague et cela se passe même dans des pays que l’on croyait à l’abri de telles situations.

Entre la promotion des agrocarburants, la sécheresse dans certaines régions agricoles (Australie…), la hausse de la demande des céréales venant d’Asie et d’Amérique Latine occasionnée par une tendance fâcheuse à l’uniformisation des modes de consommation et sans oublier la spéculation, les causes de l’envolée générale des prix de denrées alimentaires sont nombreuses. Certes les niveaux des pondérations sont différents mais conduisant toutes à la désolation, la privation avec toutes les conséquences à long terme notamment en pensant à l’alimentation des enfants. L’expression de cette désolation se traduit le plus souvent par de la révolte et de l’incompréhension de la part de citoyens sur ce qui leur arrive, ce qui conduit au pessimisme sur l’avenir d’une partie importante de l’humanité. Quelles ont été les solutions pour faire face à cette crise ? Comme souvent dans ce genre de situation, les pouvoirs publics ont la tendance fâcheuse de colmater, de proposer et d’appliquer des mesures conjoncturelles pour faire face à l’imminent. Ces mesures sont certes nécessaires mais la crise est beaucoup plus profonde faisant appel à des actions tant sur les structures de production que la distribution, par une réorganisation des marchés mondiaux. Pour nombre de pays d’Afrique la première réaction fut la baisse des prix des denrées par le recours aux mécanismes de subvention ou d’une hausse des salaires dans la fonction publique, ce deuxième cas est déjà une discrimination. Du côté des exportateurs dans l’ensemble on a assisté à une réduction de l’offre sous prétexte de se constituer des stocks de sécurité, conséquence une diminution des quantités faisant ainsi le bonheur des spéculateurs sur les marchés.

On s’accorde aujourd’hui sur une durée de la crise, d’où la nécessité de recourir à des réformes structurelles pour relancer les politiques agricoles dans les pays victimes qui, paradoxalement recèlent d’énormes potentialités. L’agriculture doit redevenir une priorité nationale pour alléger la facture de la dépendance alimentaire et pourvoir de la nourriture aux populations. Et c’est là et là seulement que réside la solution pour une production alimentaire durable et diversifiée devant à terme accompagner le nécessaire changement de nos modes de consommation. La dynamisation du secteur agricole est fondamental dans ces pays africains où en moyenne près des 2/3 des populations restent rurales. Ce n’est qu’après ou concomitamment selon les cas qu’il faudra s’occuper des circuits de distribution nationaux en luttant contre les monopoles publics ou privés. L’Afrique à elle seule n’arrivera pas à cette révolution faisant du secteur agricole non pas synonyme de pauvreté, d’exclusion mais un endroit où des opportunités se créent, des possibilités de mieux vivre existent. D’où tout l’intérêt de l’établissement de véritables partenariats public privé pour une production et diffusion des connaissances, pour l’accès aux circuits de distribution, sans oublier la capitalisation des expériences déjà fructueuses. L’accompagnement est d’une importance capitale à ce niveau pour la valorisation des savoirs et savoir-faire locaux permettant de produire davantage et mieux. Cela ne se fera que grâce à de plate formes d’échanges de savoirs et de savoir-faire entre différents acteurs, un transfert de compétences tant en matière de production, de distribution mais aussi et surtout d’organisation. Ce facteur organisationnel est primordial, il permet une meilleure structuration des filières agricoles, de créer de véritables groupes de pression dotés de pouvoirs de négociation sur les politiques à mettre en place et le partage de la valeur ajoutée.

Aujourd’hui avec la hausse des cours des matières premières agricoles, peut être un espoir pour de millions d’agriculteurs sur le contient qui sont restés longtemps à vendre leurs produits sous évalués. Les pays exportateurs de denrées alimentaires verraient là de possibilités de gains financiers importants, mais ne nous trompons pas, tout cela n’aura de réels impacts positifs que dans des réinvestissements massifs dans le secteur pour améliorer les gains de productivité, maîtriser l’eau et élever le niveau de vie des producteurs. Il est important de rappeler encore qu’il y a plus de 800 millions de personnes qui ne mangeant pas à leur faim dont près de 200 millions dépendent directement de l’aide alimentaire, ce qui montre l’ampleur du défi à relever. Et pourtant, le monde n’a jamais autant crée de richesses. Cette persistance des inégalités et la non satisfaction des droits pour tous à l’image de celui de l’alimentation génèrent des situations de conflits aux conséquences qui tendent à être globales. Faire coexister des mondes de richesses et de pauvreté s’avèrera très complexe dans un futur proche comme il l’est aujourd’hui et la seule anticipation de futures conséquences dévastatrices réside dans la réinvention de mécanismes de solidarité tant au niveau des Etats notamment en Afrique où la solidarité collective reste l’un des choses les moins partagée mais aussi à l’échelle internationale. si non, objectivement, comment espérer calmer la colère légitime de ces millions de « révoltés de la faim » croupissant dans l’extrême pauvreté alors que de l’autre côté de la rue, du quartier, de la commune, du pays ou du continent se gaspillent des richesses.

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