Pour une diplomatie offensive au service du développement

Bientôt devrait se tenir en Guinée, un forum sur la diaspora guinéenne et les financements innovants s’inscrivant dans une logique de prise en compte des intérêts de ceux de nos concitoyens qui, pour des raisons diverses vivent en dehors de nos frontières nationales. Premier du genre en tout cas dans l’écho que l’on voudrait lui donner mais aussi dans la forme avec une certaine rigueur dans la préparation L’on ne peut que se réjouir d’une telle initiative car, loin de se préoccuper d’abord des détails et des possibles résolutions qui en sortiraient, il est toujours bien et dans l’intérêt de tous que le dialogue s’instaure entre différents acteurs ayant des problématiques communes. Aujourd’hui, nul n’ignore l’importance de cette partie de la population communément appelée Diaspora dans le développement d’un pays comme le nôtre en témoignent les différentes réalisations en infrastructures (individuelles et collectives) et le retour de certaines compétences pour dynamiser un tissu économique qui en a tant besoin. L’ouverture des frontières, même s’il faut tempérer avec la volonté de certains pays notamment les plus riches de limiter la circulation d’une catégorie de la main d’œuvre a pour effet d’interconnecter les espaces et les peuples. Avec les nouvelles technologies, d’immenses possibilités se créent, la création et circulation des richesses changent de forme et cela contribuent à globaliser davantage l’économie.

Comment concevoir encore une diplomatie qui ferait abstraction de cette nouvelle donne et d’ailleurs depuis quand les affaires politiques ont elles été dissociées de celles économiques ? L’un des faits nouveaux, c’est que l’interdépendance s’est accrue, les avantages et les inconvénients du système économique actuel se partagent, ceci bien évidemment à des degrés différents et des pays comme les nôtres cherchent encore à réduire durablement la pauvreté. Cet objectif s’avère actuellement impossible à atteindre sans une création et une distribution efficaces des richesses dans un monde ouvert, d’où toute l’importance de concevoir et appliquer une diplomatie à la hauteur des enjeux. Il est clair que la diplomatie est inhérente à la vie des nations, elle est un des éléments de souveraineté. A l’ère de la géoéconomie, elle est davantage devenue un instrument au service de la prospérité des économies des États. Il est temps de mettre notre diplomatie au service du développement de la Guinée, certes la volonté est affichée depuis peu mais cette nécessité devrait demeurer réelle sous tendue tout de même par la mise sur pied d’un ensemble de dispositifs notamment institutionnels pour concevoir et mettre en œuvre une telle orientation politique majeure.

L’une des choses les plus importantes à ce niveau demeure la compréhension des enjeux et des mécanismes d’établissement des règles dans nombre de domaines relevant du multilatéral par l’ensemble des acteurs impliqués dans la définition d’une telle orientation, cela va s’en dire qu’il nous faut des ressources humaines qualifiées, « à jour » des problématiques actuelles car malheureusement, les négociations tant aux échelles régionale et internationale n’attendent pas. Pour s’en convaincre il n’y a qu’à voir comment ces dernières se passent à l’OMC, là où se négocient tout de même les règles du commerce mondial et depuis quelques temps où se définissent aussi une partie importante des normes sociales à l’échelle globale. Le problème de la protection de l’environnement pose autant d’acuité où s’exposent des enjeux stratégiques pour les Etats-nations sans oublier les négociations avec les institutions de Brettons Woods, mais aussi d’autres organismes que l’on qualifierait parfois de «moindre» mais dont les incidences sur la vie de nos États peuvent être importantes. L’enjeu de la qualification des acteurs est énorme à ce niveau, chose que l’on ne pourrait atteindre que par des investissements massifs dans la formation des ressources humaines tant au niveau national qu’à l’échelle internationale et la mise sur pied de mécanismes permettant le retour des compétences de leur « utilisation » de façon efficace. Nombre de nos concitoyens sont au parfum des enjeux actuels, connaissent leurs mécanismes de négociations sans oublier leurs réseaux qui nous sont tant indispensables pour l’avenir.

Une diplomatie au service du développement à l’image de toute politique économique ne serait se concevoir sans une cohérence dans le temps, chose devant permettre à l’ensemble des acteurs de penser, agir et mesurer les acquis et les efforts à faire. Cette condition faisant ainsi référence à l’établissement d’un cadre propice de travail, c’est à dire une stabilité institutionnelle au niveau politique, élément fondamental de toute stratégie économique. L’exemple des pays émergents d’Asie qui, aujourd’hui avec la succession des crises actuelles constituent la locomotive de l’économie mondiale devrait nous inspirer, voire même certains pays d’Afrique du nord qui, contrairement à la plupart de ceux d’Afrique Subsaharienne trouvent ou simplement se donnent les moyens de canaliser les investissements par exemple issus de la diaspora. Malgré toute leur insuffisance dans ces pays, cela montre l’importance du facteur institutionnel pour la réussite dans une trajectoire de développement. Une diplomatie du développement est celle qui se bat au quotidien pour la protection de ses citoyens et de leurs biens à travers le monde, qui innovent en matière de mécanismes pour faire de cette population vivant ailleurs de véritables entrepreneurs dans leur pays d’origine. Il est clair que nous ne pouvons concevoir et mettre en œuvre des stratégies durables de réduction de la pauvreté sans tenir compte des atouts, contraintes et exigences de cette partie de notre population pour dépasser enfin la cynique opposition qui, il faut le reconnaître nous fait tant de mal. Il s’agit de celle résumée dans diaspora versus nationaux.

Une diplomatie au service du développement est celle qui fait de la promotion de ces citoyens dans les institutions et/ou organisations internationales une réalité car, à chaque fois qu’on y retrouvera un des nôtres nous aurons gagné en image mais aussi un poids, élément important lors de diverses négociations. Il est vrai qu’elles sont complexes ces négociations internationales, mais être représenté peut être décisif à certains moments d’où encore tout l’intérêt d’avoir une idée sur le potentiel dont nous disposons à ce niveau et ce, avant de concevoir de véritables politiques de lobbying dans ce sens. Se préoccuper de tous ces jeunes et moins jeunes qui font de multiples formations ou qui travaillent ailleurs est quelque chose d’intelligent qui, même en étant absent physiquement de la Guinée, ont le plus souvent le cœur tourné vers ce pays. Combien de structures associatives essaient avec le plus souvent des moyens de bord de promouvoir la Guinée à l’étranger, de valoriser sa culture, ses talents et de mettre en exergue ses aspirations, bref de vivre avec le quotidien de l’autre côté. Combien de nos concitoyens qui, pris individuellement se battent de jour comme de nuit à travers le monde pour amasser de la richesse et des compétences et les mettre au service de la Guinée de diverses manières ? Nous ne pouvons faire logiquement économie de cette démarche au risque de voir ces compétences partir pour d’autres horizons par ce que tout simplement dans ce monde qui s’ouvre davantage, ces groupes de populations sont mis en concurrence. N’est ce pas là tout le fondement et toute la philosophie de la notion de «l’immigration choisie » ? On ne pourra s’offusquer éternellement sur les tonalités politiques de telles volontés, fussent-elles détestables à certains égards. Il est clair que le rapport de force nous est le plus souvent défavorable, mais l’essentiel, c’est avant tout de s’inscrire dans une volonté politique réelle et de se donner les moyens de ses ambitions.

Toute l’interrogation est à ce niveau, les réponses seront certainement multiples et variées, l’essentiel c’est qu’elles soient fondées sur des réflexions approfondies permettant de bâtir de véritables politiques en matière de relations internationales. Une politique centrée sur l’Homme et la promotion des idéaux de la paix et de solidarité entre les espaces et les peuples. Il y a des biens dont nous avons tous besoin et dont personne n’a intérêt, ni avantage à produire seul, c’est là que réside la nécessité d’un multilatéralisme effectif. Notre diplomatie dans le futur devrait davantage s’intégrer dans cet ensemble car, il ne peut avoir développement sans paix et réciproquement. En fin, il est temps pour notre politique étrangère de promouvoir sans ambiguïtél’idée bien réelle que notre avenir se jouera au moins à l’échelle de la CEDEAO, l'intégration régionale demeure une exigence. Nos économies sont de plus en plus fragiles face à l’ouverture non maîtrisée d’où l’impératif d’aller vers une intégration plus approfondie, le tout accompagné d’une réflexion forte tant sur les enjeux et les moyens d’y parvenir en faisant preuve de pragmatisme et être force de proposition. Pour cela, et comme tout se tient en matière de développement, de réels progrès tant sur le plan économique que politique doivent être accomplis et voilà toute l’importance de repenser toute notre gouvernance politique, élément indispensable à l’efficacité de toute stratégie de réduction de la pauvreté.

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