Un peu de pédagogie
Depuis des mois,
l’on ne parle que de cela en guinée, l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés ou
très exactement, son atteinte. Cela fait partie désormais du langage courant
tant chez les gouvernants que gouvernés. Ce n’est pas rare d’entendre dire, « …
les affaires du pays sont bloquées, nous attendons le PPTE ». Que d’attentes et d’espoirs
aujourd’hui avec l’atteinte de cette initiative. Mais, en réalité, de quoi s’agit-il ?
C’est un mécanisme de réduction de la dette publique avec des objectifs de
dégager des marges de manœuvre financière pour réduire la pauvreté.
Techniquement, il s’agit d’une remise voire un effacement de dettes publiques d’un
pays avec des partenaires ayant accepté de jouer le « jeu » assorties
d’engagements en termes de politiques économiques pour lutter contre
l’inflation, rétablir les équilibres macroéconomiques, dynamiser l’activité, …
bref en créant les conditions d’une reprise saine de l’activité économique. Pour
faire simple, il s’agit pour un pays donné vis-à-vis de ses partenaires publics
par le biais de la négociation avec l’implication des institutions financières
internationales de réduire sa dette pour éviter qu’une part importante du
budget n’y soit consacrée. Ainsi, le pays en question, toutes conditions égales
par ailleurs, disposerait de ressources dont l’essentiel devrait aller vers les
secteurs dits prioritaires dans les pays en développement (infrastructures,
santé, éducation, ….). On l’oublie souvent, mais la dette reste le mécanisme de
redistribution à l’envers le plus efficace car ce sont les plus fragiles qui en
sentent vraiment le coup en payant le prix fort de la déliquescence de l’Etat,
de ses moyens d’action et de la piètre qualité voire absence totale des
services publics.
Cette initiative
découlant du fait que nombre d’économies ont été ruiné par l’endettement mais
aussi des effets néfastes de cette dette pouvant à certains égards étouffer
toute perspective de reprise de l’activité économique, pourtant indispensable à
la création de richesse et à la réduction de la pauvreté. La guinée depuis fort
longtemps s’est engagée dans cette voie et était l’un des derniers pays de la
liste, mais qui à de maintes reprises, parfois si près du but, a échoué du fait
notamment de la situation politique et son corollaire de mauvaise gouvernance
économique dont nous payons encore le prix fort. Ainsi présentée, on comprend
aisément pourquoi le gouvernement actuel communique tant là-dessus estimant
avant tout que c’est le prix de lourds sacrifices consentis par les populations
mais aussi de ses propres efforts. Il n’a pas tord, ce point d’achèvement reste
à la fois une marque de confiance retrouvée des institutions financières
internationales et ouvre des possibilités d’accompagnement de la guinée dans la
conduite de ses politiques publiques. On ne peut qu’en féliciter. Arrivé là, le
travail ne fait que commencer. Primo,
continuer à mettre en œuvre différents engagements en matière de politiques
économiques notamment dans l’assainissement des finances publiques, la
mobilisation des recettes fiscales, la gestion du cadre macroéconomique…
Ce ne sont pas
des choses simples et il faudra de toute manière passer par des réformes
institutionnelles pour assurer une gestion saine du budget de l’Etat et créer
les conditions d’une reprise de l’économie connaissant aujourd’hui d’énormes
difficultés structurelles. C’est ainsi que ces fameuses marges de manœuvre budgétaires
dont on parle apparaitront pouvant être consacrées à la réduction de la
pauvreté. Secundo, il faudra
traduire dans les budgets nationaux ultérieurs les priorités en termes de
dépenses pouvant être financées par ces « nouvelles » ressources. On sait
que la guinée traverse des moments difficiles, espérons simplement que ces
lourdes contingences politiques n’absorberont pas ces « nouvelles »
ressources. On voit là, toute l’importance des mesures de politiques
économiques qui seront prises pour faire en sorte, que ce qui est espéré en
gain soit obtenu voire amplifié pour financer des programmes d’amélioration des
conditions de vie des populations. Les appétits ne manqueront pas, il
appartiendra donc au gouvernement et autres institutions républicaines de faire
triompher l’intérêt général et ce, conformément à leur mission. Plus que
jamais, ce pays a besoin d’une assemblée nationale pour permettre le débat sur
les choix qui seront opérés pour y voir clair sur le contenu et sur des
alternatives possibles. Le débat ne devrait être entendu comme simplement des
moments de confrontations, mais un moyen d’éclairer sur les choix publics et de
qualifier nos institutions ainsi que les Hommes qui les incarnent au quotidien.
Il est clair, que sans véritables mesures de
politiques économiques pour créer des richesses et s’assurer du partage équitable
de leurs fruits entre les territoires et les populations, nous aurions perdu
encore une occasion et du temps, allégé notre dette mais pas réduit la
pauvreté. On sait que ce cycle n’est pas tenable. Il faut avoir à l’idée que
cette réduction de dettes peut être analysée en termes de stock pour voir l’ampleur,
mais son utilisation ne peut être qu’en termes de flux. X % de dettes réduits
pour un pays, ne veut pas dire disponibilité de ce montant, mais de l’ordre du
possible. C’est là la grande nuance. Cette partie de la dette qu’on ne rembourse
plus, pour espérer la dépenser, il faudra bien la trouver par l’impôt ou un
autre endettement. Et dans les deux cas, il faut de la création de richesse
économique et la guinée en a vraiment besoin. Aujourd’hui, une fois de plus, on
entend beaucoup de choses sur des possibilités ouvertes, et contrairement ce
qui se raconte, l’argent ne va pas couler à flot, d’importants efforts seront
nécessaires pour concrétiser ces gains potentiels. Tertio, ces éléments d’ordre
financier certes importants, devront être investis dans un cadre où les
institutions républicaines fonctionnent, où la stratégie économique et
financière ainsi que les objectifs de développement sont connus et partagés. Le
développement n’est pas simplement une question d’argent, c’est aussi et
surtout une question de confiance entre le citoyen et ses institutions ayant en
charge de conduire « sa » destinée. De ce degré de confiance, dépend
son implication et sa mobilisation d’où le rôle fondamental de la politique, au
sens, l’art de gérer la cité. Voilà tout un programme au moment où l’on fête l’an
54 de notre de notre indépendance.
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