Chronique d’une élection annoncée 1 : le Développement par les Terroirs.
Qui s’occupe de la gestion des ordures ? De l’éclairage
public ? Comment ces interventions sont-elles financées ? Combien ça
coûte au contribuable ? Comment interviennent les Communautés dans la
fourniture des services publics ? Quels dispositifs techniques d’appui aux
Collectivités locales ? Quelles formes de coopération pour promouvoir le
développement à l’échelle des terroirs ? quelle(s) démarche(s) de développement mettre en œuvre? Comment rendre efficaces les
interventions citoyennes dans la gestion
de la cité ? Quels rôles pour les Autorités Administratives ? Quels
recours pour les citoyens en cas de défaillance du service ? Voilà autant
de questions dont les réponses ne sont pas évidentes pour les avertis à plus
forte raison le guinéen lambda. L’une des conséquences de notre histoire
contemporaine reste la centralisation des centres de décision et du pouvoir
donnant l’impression que tout citoyen est redevable au chef de l’exécutif. Dans
la pratique, ce dernier incarne l’essentiel et en retour concentre contestations
et frustrations. Cette logique de penser renvoie à l’idée qu’il n’y aurait entre
lui et le citoyen d’intermédiaire en termes de responsabilités. C’est aussi là
tout l’intérêt des processus de décentralisation avec la création
constitutionnelle d’institutions autonomes dotées de pouvoirs et de ressources
pour assumer certaines responsabilités dans la vie du citoyen. La Guinée s’y est
engagée depuis la fin des années 80, mais force est de constater que l’élan a
pris un gros coup de frein. Pour les spécialistes, à moment donné la volonté
politique a clairement fait défaut. Aujourd’hui, avec les bouleversements
politiques à l’échelle globale, la volonté du citoyen à s’impliquer dans la
gestion de la cité, les limites des logiques de développement centralisé, la
nécessité de la promotion de la démocratie, il y a de quoi approfondir la
décentralisation en reposant clairement ses enjeux pour le développement du
pays.
L’un des objectifs reste de permettre à nos terroirs divers et variés
d’être des espaces où émergent des dynamiques de développement reposant
essentiellement sur des ressources locales. Ce pays souffre énormément des
conflits de compétences dans la gestion des affaires publiques, de l’ignorance
des principes et parfois des règles de base du fonctionnement de l’Etat. Ces
réalités, nous les payons en coûts politiques, socio-économiques avec notamment
la faible capacité de nos institutions à promouvoir un bien-être collectif. Certes
des réformes sont en cours pour moderniser l’administration, cela ne saurait
suffire dans la volonté d’amélioration de la gouvernance publique. Il faut
aller beaucoup plus loin. Une nouvelle loi sur de la décentralisation est
nécessaire pour des impératifs politiques et de développement local. Car
aujourd’hui, quelles que soient les énergies mobilisées, si le cadre
institutionnel n’y est pas, les résultats ne seront pas à la hauteur des
espérances. Les processus de décentralisation, il vrai sont compliqués et
remettent au goût des enjeux politiques, socio-économiques, …. Mais ils
mobilisent, rassurent, crédibilisent l’action publique en apportant une
connaissance fine des terroirs, des ressources, des acteurs et des possibilités
de dynamiques de développement. Ce cadre institutionnel permet de mieux élaborer
les politiques publiques en les ramenant à des échelons territoriaux plus aptes
à les concrétiser avec ceux qui en sont les bénéficiaires.
Il est vrai que les infrastructures physiques sont indispensables au
développement, il nous en faut tant l’Etat a failli dans ce domaine. Rappelons
tout de même que les institutions demeurent de véritables garanties de la
continuité de l’Etat, de l’exercice démocratique. Elles sont l’expression de
notre volonté de vivre ensemble. C’est pourquoi de vraies réformes
institutionnelles sont fondamentales à la Guinée, et à mon avis, une autre loi
de la décentralisation, beaucoup plus ambitieuse est de celles-là. On aura beau
faire des routes, des barrages,… si on ne change pas la façon de penser l’action
publique, de la déployer, nous aurions loupé le plus important. Les efforts
visibles doivent aller de pair avec ceux souvent considérés comme invisibles
car il est difficile de faire évoluer un système en ne changeant pas ses règles
de fonctionnement. Aujourd’hui, une réelle volonté politique d’aller vers un
approfondissement de la décentralisation permettrait aux forces politiques et
aux citoyens de débattre sur comment faire émerger des terroirs porteurs de
développement, les mécanismes techniques et financiers indispensables au soutien
des collectivités locales, l’exercice de la démocratie au quotidien et bien
évidemment les rôles et responsabilités des différents acteurs. Si les
questions peuvent paraitre évidentes, les réponses le sont moins. Prenons l’exemple de Conakry, comme toutes les
autres villes, elle grandit et est confrontée à des défis importants tels, l’insalubrité,
la mobilité, l’aménagement urbain, …. Juste sur l’insalubrité, entre le
Gouvernement, le Gouvernorat, les délégations spéciales, les quartiers, les
citoyens… A qui revient la compétence de rendre la ville propre ? Après,
nous pouvons discuter des modalités et moyens institutionnels, techniques,
financiers, pour assumer cette responsabilité. Car en droit positif la première
question qui vaille, c’est la compétence.
Je suis convaincu que tout un chacun veut que Conakry soit propre parce
qu’elle fait partie de notre identité. Plus globalement, il y a lieu de
repenser son statut, voire pour d’autres villes. Cela permet de s’interroger
sur les modèles de gouvernance et leurs capacités à assurer une fourniture
efficace du service public permettant d’assoir son statut et sa reconnaissance.
Avec l’émergence des notions et de pratiques de territorialisation des
politiques publiques, le temps est venu d’approfondir ce processus politique.
Il facilite l’éclosion de ressources territoriales en faisant d’échelons
infranationaux de véritables promoteurs du développement. Ainsi pourrons
émerger des centres de pouvoirs locaux, plus proches des besoins des
populations et à même de les satisfaire via des initiatives propres. C’est ce
mouvement qu’il faut aujourd’hui réenclencher dans nos villes et terroirs. Le territoire
reste l’espace privilégié du développement de nos jours. On ne peut penser le
développement de la même façon à Conakry, N’Zérékoré, Siguiri, Télémilé ou
Mandiana. Les réalités et les enjeux sont différents, les ressources aussi, d’où
la nécessité de différenciation au moins des méthodes d’approche pour mieux
tenir compte des spécificités territoriales. Il s’agit d’accompagner chaque
terroir à contribuer pleinement au développement national et à être soutenu à
la hauteur de ses besoins. A un moment où émergent ailleurs de véritables
dynamiques avec l’action de gouvernements locaux, se forment des réseaux
d’action multiples et s’expérimentent des modèles de gestion des cités, il est
temps pour la Guinée de repenser son organisation territoriale pour trouver de
nouvelles ressources pour promouvoir son développement.
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