De la démocratie en Afrique

Au dernier sommet de l’Union Africaine, la question du Zimbabwé a pris le pas sur l’ordre du jour d’une rencontre officiellement consacrée à la problématique de l’accès à l’eau et à l’assainissement sur le continent. Constat, le continent est profondément divisé là dessus, deux blocs apparaissent sous-tendant deux visions de la démocratie sur le continent et deux façons de régler les questions politiques notamment les contestations électorales. Le camarade Bob, aujourd’hui encore jouit d’une grande sympathie de nombre de chefs d’Etat à la fois pour des raisons historiques et politiques, c’est le cas de Tabo Mbéki, pourtant principal médiateur désigné dans ledit conflit. De l’autre côté, des président comme Abdoulaye Wade estiment tout simplement que Mugabé en fait trop. Cette seule question Zimbabwéenne illustre les différences d’appréciation de l’évolution démocratique sur le continent et des es rapports aux autres. Pour les uns, plus question d’accepter les ingérences européenne et étatsunienne, conception militant plutôt pour un partage du pouvoir entre Mugabé et l’opposition, c’est à dire une solution à la kenyane. Mais en réalité à quoi bon alors de fournir tant d’efforts pour organiser des élections si la possibilité de l’alternance reste exclue, franchement les Africains devraient être conséquents avec eux-mêmes, la politique devrait mériter plus en terme de comportements car si le compromis est nécessaire, il exige de la cohérence en terme d’attitude. Pour les détracteurs de Mugabé, il faut profiter de chaque occasion pour faire progresser la démocratie sur le continent, chose qui ne peut être possible que par le jeu de l’alternance démocratique et ce quel que soit le niveau des élections. Le respect et l’acceptation de l’expression populaire à travers le suffrage universel demeure la condition indispensable pour s’inscrire dans une logique démocratique durable.

Il est clair que tout système de gouvernance politique est perfectible à l’infini, la démocratie reste aujourd’hui largement le cadre de l’expression et de la promotion des libertés individuelles et collectives, elle est certes insuffisante à certains égards mais pourtant nécessaire sur le continent Africain. Le cas zimbabwéen montre une fois de plus qu’en Afrique, les habitudes ont la vie dure et très dure à des moments tant les changements de mentalités et de comportements pourtant nécessaires dans une quête de développement restent lents et très lents à certains égards. Le Zimbabwé plus particulièrement a une histoire politique complexe où se mêlent nationalisme, interventionnisme étranger, un pays où les séquelles de la colonisation restent encore très visibles et ces évènements l’ont montré. Mais, au-delà de tout cela, la politique exige de l’intelligence et de la nécessité de dépassement non pas l’oubli. A chaque moment délicat de l’histoire, il devrait appartenir à l’homme politique de donner un cap, de façonner une certaine vision tout en tenant compte des contraintes et des atouts du moment pour proposer des solutions acceptables à la population dont il a la charge de conduire les destinées. C’est le vivre ensemble qui exige cette façon de concevoir les choses.

Fleuron de l’Afrique Australe il y a encore quelques années, ce pays est complètement à la ruine et les Africains en premier devraient prendre du temps pour réfléchir à cette catastrophe. Il est clair que les causes du drame que vit ce pays ont des dimensions nationale et internationale, mais il doit toujours appartenir à l’Homme politique dans ce jeu complexe d’intérêts de proposer des alternatives crédibles. Sur les causes, la question de la réforme agraire des années 2000 reviendra toujours. Personnellement je trouve qu’elle était nécessaire et personne ne peut contester dans un objectif de réduction de la pauvreté l’accès à la terre aux paysans. La terre n’est pas seulement un capital pour produire, c’est à la fois cela et plus encore. C’est un patrimoine qui se transmet par génération. La réforme agraire tel pratiquée dans ce pays montre clairement qu’une politique de ce genre exige beaucoup de préparation et d’intelligence. En clair le politique Zimbabwéen et ce, malgré le refus de Londres de financer la politique à un moment donné s’en est mal pris. Revenant à la question des élections, il est clair que proposer la solution Kenyane, ce qui semble se dessiner avec le travail de la Commission Africaine et du médiateur Mbéki n’est vraiment pas approprié. La seule solution véritable reste la tenue d’élections libres et transparentes dans ce pays. Ce premier sommet sous l’ère Ping a plus inquiété que n’a rassuré. Les nouvelles générations Africaines attendent vraiment autre chose que cette façon de traiter des sujets aussi importants car, au-delà de la solution envisagée, c’est surtout l’image renvoyée qui importe. Une vie digne pour tous sur ce continent ne saurait être effectif que dans un contexte où chacun se sentira écouté d’où la nécessité d’œuvrer ensemble pour l’enracinement durable de la culture démocratique.

J’en conviens que la démocratie n’est pas sans failles, il ne peut être imposé, l’exemple Irakien en est éloquent. Mais, il devrait avoir toute sa place sur ce continent et certains pays progressent sur ce chemin. Ce système exige une disposition de l’ensemble des acteurs sur un territoire donné à s’accepter mutuellement, chose devant passer par l’établissement de règles communes témoignant de leur volonté de vivre ensemble et de partager une destinée. La liberté, l’égalité… sont aujourd’hui des valeurs universelles dont la reconnaissance et l’exercice effective demeurent indispensables dans un objectif de développement comme l’a largement démontré Amartya Sen. Il existera toujours un conflit entre l’ancien et le nouveau, ce qui est de chez « soi »’ et ce qui vient « d’ailleurs », cette situation de conflit fait partie de la dynamique de l’évolution humaine et appelle aussi à notre constante adaptation et remise en question. C’est toute la nécessité de pouvoir transcender ces « chocs » et toujours avoir à l’idée que la richesse se trouve davantage dans la différence et non le contraire. Ce n’est qu’à ce prix que l’Afrique relèvera les défis qui l’incombent à savoir trouver l’énergie et les ressources pour faire vivre dignement ses populations. En ces temps qui courent où la vie chère frappe de plein fouet, l’établissement d’un cadre de confiance, cristallisé dans des institutions partagées demeure une exigence en faisant en sorte chacun s’y reconnaisse, s’exprime et écoute les autres, facteurs d’épanouissement individuel et collectif. Et c’est tout le rôle du politique dans ces pays.

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