Pour une autre décentralisation en Guinée


La décentralisation, processus de transferts de compétences des autorités centrales vers celles locales élues a été dans l’ensemble mis en route en Afrique dès la fin des années 90. Elle a été l’une des réponses des organisations internationales à la nouvelle crise de gestion d’Etats fraîchement sortis des programmes d’ajustement structurels (PAS). Ensemble de réformes politiques et économiques qui en Afrique de l’avis général ont plutôt laissé des économies essoufflées et un tissu social fortement endommagé, tout ceci au nom des principes de l’efficacité des mécanismes du marché. Depuis cette période, nombre d’étapes ont été franchies dans l’enracinement de ce processus dans le mode de gouvernance économique et politique de l’État guinéen. Aujourd’hui les faits plaideraient plutôt pour un renforcement de la dynamique par de véritables réformes institutionnelles et l’érection de la préfecture et de la région en tant que collectivités locales. Un redécoupage institutionnel est plus que nécessaire pour une certaine efficacité de la politique engagée, il y a un peu plus d’une décennie. Cette première étape ne peut être que le premier maillon d’une longue chaîne de reformes permettant d’enraciner la démocratie et le développement local. Objectivement, dans des pays comme les nôtres, l’État dans sa conception traditionnelle ne peut plus à lui seul conduire une stratégie efficace de développement même si au fond il doit en est le concepteur et le garant de sa mise en œuvre.

La mise en place d’instruments financiers pour rendre opérationnelle la dynamique amorcée par le financement de projets locaux de développement et le renforcement de la maîtrise d’ouvrage indispensable sont entre autres des innovations à mettre en œuvre. Il est clair qu’aujourd’hui encore ce processus aiguise des appétits et engendre des craintes et il y aura toujours de bonnes raisons de l’approfondir ou pas en fonction des intérêts des uns et des autres, mais une fois de plus, il reste de nos jours le cadre idéal pour un développement local. A de nouvelles réalités, de nouvelles contraintes et exigences. Depuis les années 90, la philosophie, les pratiques et les acteurs ont changé dans la gestion des politiques publiques et cela particulièrement au niveau des pays en développement. Nous avons eu l’émergence des ONG comme acteurs accompagnant les Etats dans leur développement, les collectivités locales avec la coopération décentralisée (conception française) et l’appui des organisations intergouvernementales à l’émergence de véritables sociétés civiles dans ces pays. Cette nouvelle donne fait qu’il y a lieu de changer profondément notre conduite des politiques publiques, d’essayer de les rapprocher au mieux aux besoins des populations qui sont in fine les bénéficiaires.

Cela appelle aujourd’hui à repenser les rapports entre gouvernants et gouvernés, entre différents échelons territoriaux par la redéfinition de nouveaux modes de gestion de nos politiques et de nos territoires. Aujourd’hui une fois de plus, il est acté que le développement d’ensemble auquel nous aspirons tous découlerait plutôt de dynamiques endogènes au niveau des territoires par une mise en évidence d’un ensemble de ressources permettant la satisfaction des besoins des communautés locales le tout dans un cadre global défini par la l’Etat central en relation avec les autres acteurs. La récente création d’un ministère de la décentralisation et du développement local témoigne de tout l’intérêt de cette thématique qui pour être effective nécessite néanmoins quelques engagements forts. Engagement tout d’abord politique à œuvrer pour des réformes institutionnelles nécessaires par une redéfinition de nouveaux rapports en gouvernants et gouvernés. Engagements financiers par le transfert vers les collectivités locales de moyens humains, financiers et matériels leur permettant d’exercer efficacement leurs responsabilités. Engagement citoyen par la disposition des uns et des autres sur un territoire donné à travailler ensemble par la création de plates formes de dialogue et de partenariats, facteurs de synergies et ce, au-delà des antagonismes inhérents à tout groupe social. Cet engagement citoyen appelle à la mobilisation de l’ensemble des acteurs dans un schéma de cohérence globale au niveau national pour que chacun en ce qui le concerne s’investisse au mieux pour l’intérêt commun.

Cette nouvelle logique de gestion des affaires publiques requiert dans un monde mouvant la disponibilité au changement et à l’adaptation des acteurs aux réalités actuelles pour pouvoir surtout les améliorer. C’est là tout l’intérêt du renforcement des capacités des acteurs locaux en matière d’ingénierie du développement territorial pour leur permettre de penser leur développement dans un contexte d’ouverture économique. voilà quelques enjeux de la décentralisation en Guinée et en général, dynamique qu’il faut accentuer pour l’émergence de véritables politiques de développement territorial aujourd’hui souhaitée et réclamée par l’ensemble des acteurs du développement international. Il est temps de se lancer dans ce vaste chantier, certes compliqué parfois par des intérêts antagoniste et le plus souvent mouvants des acteurs y impliqués (État, ONG, Collectivités, entreprises, institutions internationales….), mais ce travail profond demeure nécessaire. La décentralisation pour terminer reste un processus long, nécessitant un engagement politique et une affectation de ressources conséquentes mais elle demeure le cadre d’exercice de la démocratie locale. Dans l’état actuel des choses en Guinée, l’on ne se saurait ignorer les souhaits des populations à être associées à nos choix collectifs au risque d’attiser les incompréhensions entre gouvernants et gouvernés. Alors il est temps d’agir.

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