La politique industrielle et la politique de la concurrence en Europe

La construction de l’espace Européen est fondée sur des principes fondamentaux de l’économie de marché à savoir celui de la concurrence. Principe de base dans le raisonnement de la théorie économique standard pour une efficacité en terme de production et de répartition de la richesse. Son application reste aujourd’hui encore très surveillée par la Commission Européenne pour éviter les abus de position dominante c’est à dire la constitution de situations de rentes par les différents acteurs économiques jugés inefficaces tant pour eux dans leur ensemble que pour les consommateurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles que toute intervention publique dans le domaine industriel resté considérée a priori comme source de distorsion par rapport au libre jeu de la concurrence. De nos jours, l’action des pouvoirs publics à travers des aides ponctuelles ou la structuration des secteurs d’entreprises au niveau national notamment par les fusions-aquisitions fait l’objet d’une grande attention des autorités Européennes. Cette considération est largement inspirée théoriquement par l’économie standard faisant du libre jeu de la concurrence une des conditions pour atteindre l’optimum collectif maximal appelé optimum de Pareto. Cette concurrence devrait néanmoins être pure et parfaite, c'est-à-dire fondée sur une information parfaite entre les acteurs économiques, l’absence d’externalités et pas de position dominante de la part d’un acteur à la fois producteur ou consommateur.

C’est dire que lorsque ces conditions sont respectées, les acteurs économiques par leurs interactions tendent vers l’efficacité économique mais malheureusement dans les faits ces hypothèses se vérifient rarement, ce qui justifie l’intervention publique. L’Etat par diverses interventions dans le système économique fait en sorte que l’efficacité économique corresponde à celle sociale. Par le biais de la réglementation par exemple, il contraint les acteurs économiques à prendre en compte certaines exigences sociales ou simplement les externalités que leurs activités engendrent, réorganise le système productif ou opère des transferts publics matérialisés par des versements de diverses prestations sociales à des catégories de populations dans un objectif par exemple de réduction des inégalités sur l’ensemble du territoire nationale. Chose que l’Union Européenne fait aussi à cette échelle territoriale par le mécanisme des fonds régionaux pour créer et dynamiser des activités à l’échelle de certains territoires permettant ainsi valoriser des ressources, de maintenir des emplois et des possibilités de mieux vivre pour les populations. On le comprend, au-delà de la pertinence du cadre théorique de l’économie de marché, l’intervention de l’Etat dans l’économie à travers la politique industrielle a aussi des justifications théoriques découlant de l’inefficacité opérante à tout moment des principes de l’économie de marché.

L’un des fondements majeurs de la politique industrielle réside dans le fait que l’optimum économique que sert la politique de la concurrence n’est pas nécessairement celui qui est souhaitable pour la collectivité nationale ou Européenne. L’Etat par le biais notamment de l’anticipation permet de structurer économiquement un espace donné ; de créer les conditions de l’exercice de la concurrence par le vote, la mise en application et la surveillance de l’exécution de différentes dispositions juridiques ; de créer et de maintenir des bassins d’emploi par du soutien aux entreprises notamment en terme de recherche et développement…L’ensemble de ses interventions et bien d’autres encore permettent de concilier des objectifs économiques et sociaux. Une fois de plus il existe un cadre théorique permettant aux différents Etats Européens au sein de l’Union Européenne de conduire des politiques industrielles tout en prenant en garde de fausser durablement la concurrence tant nécessaire dans une économie de marché. La politique industrielle ne justifie pas par exemple que l’Etat soutienne durablement des entreprises en difficulté qui doivent à leur tour faire des efforts d’adaptation nécessaires pour se restructurer et réponde ainsi aux nouvelles exigences de leur secteur d’activité en innovant en matière de production et d’organisation par exemple.

Aujourd’hui, au niveau de la Commission Européenne, l’on devrait aller vers un autre paradigme en terme de politique de concurrence pour comprendre les justifications et souvent les nécessités de l’intervention des pouvoirs publics par le biais des politiques industrielles qui ont encore tout leur sens. Il existe une complémentarité entre politiques de concurrence et industrielle et non une opposition comme on le fait souvent croire. Il est clair aujourd’hui que la compétitivité des entreprises au sein des Etats n’est pas simplement le résultat de logiques économiques de leurs dirigeants mais aussi celui d’agencements systémiques entre elles et les différentes institutions. Les Etats créent aujourd’hui des cadres de relations permettant aux entreprises de bénéficier d’espaces où se nouent des relations avec le monde académique, les acteurs publics et privés permettant de partager les informations, de créer des dynamiques de partenariat pour mieux comprendre l’environnement et ainsi répondre à différentes exigences. Il est loin le temps où seules les relations de marché comptaient pour la performance des entreprises. Mais une fois de plus malgré les justifications et les nécessités de la politique industrielle, elle ne saurait constituer un argument pour les entreprises pour attendre constamment des aides de l’Etat et à ce dernier d’y recourir constamment sans précautions ou en faire un instrument vraiment politique. La politique industrielle reste une nécessité pour les Etats mais elle devrait être conduite par l’acteur public avec intelligence et précaution et ce, toujours dans un esprit d’équilibre durable entre l’efficacité économique et le bien être social.

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