Le CNDD n’a pas besoin de cela

Que les habitudes surtout les mauvaises ont la vie dure en Guinée. Aujourd’hui, à peine un trimestre après la prise du pouvoir par le Comité National pour la Démocratie et le Développement, on voit émerger des mouvements de soutien à cet organe pour magnifier ses actions pour que l’on comprenne en filigrane la nécessité que ses membres continuent du service. Ce virage est important à analyser tant les enjeux pour la Guinée actuellement sont importants après tant de décennies de souffrance d’une population qui ne demande de nos jours et comme hier qu’une amélioration de ses conditions de vie, c’est-à-dire avoir accès des services sociaux de base et avoir une visibilité dans son avenir. Cette nécessité on ne peut le nier objectivement au vue notamment des évènements de janvier-février 2007 mais aussi de toutes les manifestations de colère certes éphémères mais traduisant tout de même un profond malaise d’être d’hommes et de femmes ne voyant pas de réelles perspectives se dégager. Et ce, ni pour eux encore moins pour leurs enfants notamment en terme de satisfaction des besoins vitaux, d’emploi, c'est-à-dire simplement de bien être. Cette colère grandit encore quand on pense que nous avons hérité d’un pays avec des possibilités de vivre importantes de par ses dotations naturelles mais que l’Histoire et les Hommes ont redessiné de façon peu enviable de nos jours. L’avènement du CNDD le 23 décembre dernier a été fêté dans l’ensemble et auguré de nouveaux horizons même si on ne peut ignorer la méfiance de certains citoyens d’un retour au pouvoir des militaires et cela de par expérience tant en Guinée qu’en Afrique en générale.

Ce sentiment de scepticisme est compréhensible et surtout à ne pas ignorer, ni sous estimé par cet organe de gestion de la transition politique. Toujours est il que cette nouvelle réalité a été rapidement prise en compte par l’ensemble des acteurs sociopolitiques Guinéens mais dans l’espoir que cet organe conduise une transition devant déboucher sur des élections libres et transparentes. Réussir cet objectif, il est clair n’est pas le plus simple des objectifs mais cela est une nécessité pour que ce pays s’ouvre de nouvelles perspectives permettant à ces citoyens de vivre dignement dans un monde complexe et mouvant. Cet objectif à mon humble avis pourrait être compliqué par l’apparition ça et là de mouvements de soutien au CNDD. Cet organe aujourd’hui encore je le répète n’a vraiment pas besoin de cela au moins pour quatre raisons. La première tient au fait qu’il a déjà obtenu ce soutien du peuple aux lendemains de sa prise du pouvoir par le fait d’avoir été reconnu par la classe politique y compris les membres de l’ancien gouvernement. A cela il faut rajouter celle de la société civile et surtout le ralliement de l’armée, chose non négligeable dans ces circonstances. On ne pouvait s’attendre à mieux aux lendemains du 22 décembre 2008 et aujourd’hui dans son ensemble la situation est sous contrôle du CNDD.

En deux, le CNDD est certes un organe politique de gestion de la transition mais pas issu d’une confrontation politique et cette nuance est extrêmement importante à comprendre. A partir de cet instant, il n’est nullement opportun de le soutenir de quelques manières car son objectif doit être la création des conditions pour le rétablissement d’une situation normale. Entendez, aller vers une troisième république avec ses institutions d’exercice du pouvoir. Aujourd’hui, le CNDD n’est en compétition sur le champ politique ni avec un parti politique, ni avec une coalition de partis politiques donc il n’est nullement encore nécessaire que des groupes d’individus le soutiennent. Le gouvernement Komara a une mission à conduire et un programme d’urgence à mener centrés autour du rétablissement de l’ordre démocratique. Les actions qui se posent aujourd’hui doivent s’inscrire dans cet objectif et assurer la continuité de l’Etat comme pour dire que les individus passent mais demeure l’Etat. La troisième raison tient au fait que le champ politique s’ouvre, se renforce même et heureusement que la suspension des activités politiques et syndicales consécutive à la prise du pouvoir a été levée. Actuellement des partis politiques existent et d’autres sans nul doute se créeront encore dans les semaines et mois prochains. Donc il appartient à tout citoyen ayant des convictions politiques et désirant les partager d’intégrer une formation de son choix, le spectre s’élargissant, chacun devrait s’y retrouver et ainsi contribuer à l’exercice démocratique. Les partis politiques demeurent les instruments de conquête du pouvoir en démocratie, ils sont indispensables à l’enracinement démocratique et à l’éducation citoyenne pourvu que priment les débats et les choix se fassent sur des projets de société. Cela est extrêmement important car de nos choix actuels dépendront forcément nos vies de demain.

J’en conviens qu’en démocratie qu’il n’y a pas que les partis politiques qui servent de cadres de son enracinement, diverses structures contribuent à cela comme les syndicats, les Ong, les fédérations patronales et autres mais pas vraiment celles qui naissent aujourd’hui en soutien au CNDD. Au contraire agissant dans une logique que l’on qualifierait d’opportuniste, elles brouillent et minent le champ politique. Une simple analyse rétrospective de l’histoire politique de la Guinée permet de se rendre compte de leur influence néfaste. La dernière raison tient au fait qu’en réalité, ces groupes ne sont que des lobbies au service d’individus cherchant à créer ou à maintenir des situations de rente politique, du clientélisme vis-à-vis du pouvoir politique pour ainsi trouver et occuper des espaces. Cette façon de faire comme tout lobby leur permet de se rendre indispensables, d’être consultés à un moment donné de la chaîne de la décision politique. Ceci c’est vraiment du classique dans le fonctionnement de la démocratie où des structures influencent la décision politique et contribuent de par leurs actions à faire prévaloir des préférences collectives. Autant elles sont indispensables sous contraintes d’encadrement dans un régime démocratique, autant elles sont inutiles aujourd’hui en Guinée parce que tout simplement nous ne sommes pas en démocratie mais dans un régime d’exception. Une différence énorme.
Le CNDD dans ses fonctions et missions actuelles va vraiment au-delà de cette dimension partisane, chose qui devrait encore demeurer durant toute la période de la transition. Diverses initiatives sont déjà prises pour faire de cette transition une réussite. Elles ne peuvent être que saluées. Aujourd’hui, nombre de citoyens croient encore en la volonté et aux objectifs affichés par cet organe même si les modalités se discutent toujours avec l’ensemble des forces vives. Tenir ses engagements doit rester l’objectif primordial pour cet organe afin de permettre à ce pays après un demi siècle d’indépendance d’aller vers de nouvelles perspectives où chacun se reconnaîtra et y mettra du sien. Ainsi, nous aurions passé un cap historique et prouvé au monde notre maturité ainsi que cette volonté de vivre ensemble. Comme on le dit souvent, il n’est jamais trop tard pour bien faire. L’histoire politique récente en Afrique notamment montre une fois de plus comment sous des groupes de citoyens dans une logique purement individualiste et opportuniste ont influencé des dirigeants et qui ont accepté de renier leurs promesses, de changer des constitutions pour ainsi s’éterniser au pouvoir alors que le contexte recommandait le contraire. Les résultats sont sans commentaires y compris en Guinée. Dans la plupart des cas si non tous ils ont échoué ou l’échec se profile à l’horizon. Nombre de Guinéens et d’observateurs se posent la question de savoir si le CNDD respectera ses engagements tant les exemples contraires font légion sur le continent. Cette interrogation reste légitime et raison une fois de plus pour cet organe de faire preuve de plus de lucidité et de responsabilité. L’occasion est historique et après tant de révolutions inachevées dans ce pays, espérons que cette fois ci le cap sera passé avec le concours de tous pour que là bas aussi on recommence à croire à meilleures perspectives

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