…Eh oui qu’elle est si courtisée cette Afrique

Le récent sommet de Union Européenne (UE) - Afrique tenu à Lisbonne ayant pris fin le 9 décembre après deux jours de travaux marque une grande offensive diplomatique de l’Europe vers l’Afrique. Il est inutile de rappeler, qu’après le premier du genre tenu au Caire en 2000, beaucoup de choses ont changé sur le continent Africain, le 11 septembre 2000 est passé par là ayant induit une réorientation profonde la diplomatie Etatsunienne, dont la composante accès aux marchés pétroliers est essentielle sans oublier la percée nette des investissements Chinois sur le continent doublé d’un aspect stratégique important. L’empire du milieu gagne du terrain avec tout de même une focalisation sur les pays fortement dotés en ressources naturelles, pétrole compris indispensables à la continuation de sa dynamique économique, le Brésil et l’Inde aussi ne sont pas en reste dans cette offensive sur le continent à la recherche de ressources naturelles, de débouchés commerciaux. Tous ces pays partagent néanmoins une dimension, une certaine reconnaissance politique avec la création d’alliances pour influer dans divers agenda internationaux en terme de négociations comme c’est le cas du commerce, de l’environnement et la réforme de plusieurs organisations internationales. L’on pourrait se demander dès lors que veulent vraiment tous ces pays dans le contient qualifié de plus « pauvre » du monde, pour peu que l’on connaisse la politique internationale, toute cette diplomatie est loin d’être une question de charité.

L’Europe, malgré son poids économique et toutes les études le confirment est en perte de vitesse et il était temps de trouver moyen de se parler pour discuter des possibilités de poser de nouveaux jalons dans cette coopération déjà très ancienne, même si elle reste encore le premier partenaire économique du continent de l’Afrique. Si la mondialisation a bien eu un effet bénéfique, ce serait d’avoir mis davantage en exergue l’interdépendance entre les différentes économies tant sur le plan des forces productives que l’écoulement des biens des services. L’Afrique contrairement à ce que l’on pourrait imaginer à certes besoin de l’Europe mais le vieux contient a aussi besoin de cette Afrique, c’est une réalité, le problème réside dans la mise en place d’un véritable partenariat où tout le monde se retrouverait. Nul ne peut ignorer l’importance des investissements Européens en Afrique, le brassage culturel entre les deux continents, les possibilités qu’ont les Européens à résoudre nombre de crises politiques en Afrique pourvu qu’ils acceptent de jouer ce rôle. Derrière le consensus apparent de Lisbonne, nombre de questions qui fâchent n’ont pas manqué justifiant la nécessité du dialogue entre ces deux partenaires dont les relations sont si vieilles, deux partenaires qui ne sont séparés géographiquement que d’une dizaine de kilomètres par endroit mais qui, en terme de possibilité du « mieux vivre » sont si éloignés.

L’immigration avec tous les drames sur la Méditerranée, la situation politique au Zimbabwe, les droits de l’Homme, la colonisation, les futurs Accords de Partenariat Economique (APE) qui doivent remplacer le 1er janvier 2008 le régime commercial préférentiel accordé par l'UE aux 78 pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), voilà quelques uns des sujets de discorde qui n’ont pas encore fini de faire parler d’eux. Restons quelque temps sur les APE, l’Europe jusqu’aujourd’hui dans le cas des relations UE-ACP réserve des traitements de faveur aux produits de ce groupe de pays en terme d’accès aux marchés, une sorte de dérogation à l’application des règles du commerce international dont l’objectif est avant tout de favoriser le libre échange et fondé sur la clause de la nation la plus favorisée et sur le principe du traitement national. [La clause de la nation la plus favorisée signifie que tout accord entre deux pays se traduisant par une réduction des tarifs douaniers s'applique automatiquement à tous les autres partenaires économiques et le principe du traitement national signifie que les biens importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale]. En clair les futurs APE poussent à l’ouverture encore plus grande des marchés Africains au non du principe sacro saint de la concurrence de l’OMC, même si aux dires de monsieur José Manuel Barosso (Président de la Commission Européenne), des périodes de transition allant pour certain produits jusqu’à 25 ans sont prévues, donc pas d’une réciprocité absolue [J.A. n° 2249, p.57].

Le scepticisme est aujourd’hui largement partagé autour de cette démarche et même des présidents comme Abdoulaye Wade loin d’être socialiste ou alter mondialiste s’indigne l’ « Afrique aujourd'hui ne peut pas, quel que soit l'horizon, à 20 ans ou autre, instituer une zone de libre échange avec l'UE » [Sommet UE-Afrique : pluie de critiques sur les futurs accords commerciaux, 9 Décembre 07, AFP sur www.lintelligent.com, du 10/12/07]. Et cela, à juste titre, rien qu’en voyant les ravages de l’ouverture du secteur agricole de son pays et en général de la concurrence sur les marchés agricoles et leurs incidences sur les prix des denrées donc sur la sécurité alimentaire de plusieurs pays, notamment les plus pauvres. Même constat du premier ministre Irlandais, Bertie Ahern, « Nous voulons qu'aucun pays ne se retrouve dans une situation pire en 2008…Les pays pauvres ne peuvent pas être forcés (à conclure) des accords injustes » [Sommet UE-Afrique : pluie de critiques sur les futurs accords commerciaux, 9 Décembre 07, AFP sur www.lintelligent.com, du 10/12/07]. C’est dire combien de fois il y a urgence dans ce domaine de discussions plus approfondies pour éviter d’exposer davantage les populations de ces pays à des coûts énormes. Je ne pense pas que l’Afrique récuse l’économie de marché, mais ce sont les modalités d’application de cette dernière qui ne conviennent pas à ses exigences socio-économiques et cela au regard des trajectoires de développement des pays industrialisés et même émergents aujourd’hui.

Certains pays de ce continent ont l’impression que malgré les efforts consentis en terme d’ouverture économique, ils continuent à subir les effets pervers du système capitaliste et leurs populations endossant in fine les coûts d’ajustement (déstructuration des systèmes productifs, chômage, baisse des revenus, non accès aux marchés étrangers pour protectionnisme…). Face à cette situation, nul ne saurait objectivement dédouaner les politiques Africains en terme de responsabilité par un manque de vision cohérente dans le temps, une gestion minable des Etats par un désintérêt total pour la chose publique et de la promotion humaine et sociale de l’ensemble des populations. Mais à bien connaître les mécanismes de décision et de fonctionnement de la politique internationale où in fine les rapports de force commandent, on comprend aisément qu’il est important de tenir compte de cette dimension dans l’analyse de la situation des pays « pauvres ». Certes le développement doit émaner d’une volonté forte à l’intérieur d’un Etat, mais le contexte international en est un déterminant important, il peut être soit un catalyseur ou un frein en fonction de la conjoncture car nous sommes dans un monde de plus en plus interdépendant. Une crise externe peut affecter l’ensemble des économies en un temps record et celles des Pays en Développement davantage qui, le plus souvent sont dépourvus de moyens efficaces pour amortir les chocs externes, il n’ y a qu’à voir la question du pétrole cher et ses répercussions sur les pays d’Afrique Subsaharienne non producteurs.

Et voilà combien de fois il appartiendra aux Africains ; politiques, intelligentsia, société civile… bref à l’ensemble des forces vives de faire de la future relation Euro- Afrique ainsi que les autres des partenariats fructueux au bénéfice des populations de ce contient. Il est temps encore de faire preuve de responsabilité et de bon sens notamment dans la gestion politico-économique de nos Etats qui sera un gage certain de notre engagement vers une nouvelle ère et ce, en faisant de la répartition des richesses une réalité, chose si souvent oubliée dans nos Etats et pourtant essentielle dans la lutte contre la pauvreté. Aujourd’hui le continent Africain est une fois de plus à la croisée des chemins, il y a lieu de faire preuve de plus d’imagination, de croire en nos capacités intellectuelles et humaines et d’agir ensemble pour relever les défis qui nous interpellent. Ce contient si choyé de nos jours en terme de relations diplomatiques aura des choix à faire, les partenaires seront nombreux et les arbitrages difficiles tant les enjeux sont importants pour son devenir propre ainsi que pour ses différents interlocuteurs. Voila, où résident toute la complexité de ces questions mais aussi toute la responsabilité morale des décideurs politiques qui, in fine sont chargés de mener à « bien » les destinées des communautés. Rappelons pour terminer que l’Afrique ne se relèvera de ce « sommeil » avant tout que par les efforts et les actions conjuguées de tous ses enfants et vers ce chemin toutes les compétences seront à mobiliser tant elles nous seront indispensables dans notre quête de bonheur collectif dans un monde global.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Conakry, Capitale Mondiale du livre en 2017 : la mobilisation ne fait que commencer

L’électricité, un bien toujours rare en Guinée

POURQUOI CONTINUER A APPROFONDIR LA DECENTRALISATION EN GUINEE ?